Pourquoi les Japonais digèrent-ils facilement les sushis ?

Publié par Michel le 09/04/2010 à 00:00
Source: CNRS
Illustrations: Voir les légendes
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Le porphyrane, un polymère de sucre présent dans les parois d'une algue rouge utilisée notamment pour préparer les sushis, est dégradé spécifiquement par une enzyme appelée porphyranase. Cette nouvelle activité enzymatique a été identifiée chez les bactéries (Les bactéries (Bacteria) sont des organismes vivants unicellulaires procaryotes, caractérisées...) marines, et, de manière surprenante, au sein de bactéries peuplant les intestins des Japonais. Les scientifiques du CNRS et de l'UPMC expliquent cette découverte par un transfert de gènes entre bactéries, qui aurait permis à la microflore des Japonais d'acquérir toute la "machinerie" pour consommer l'algue entourant les sushis. Leurs résultats sont publiés dans la revue Nature du 8 avril 2010.

Sans flore intestinale, l'Homme ne peut dégrader les polymères de sucres contenus dans son alimentation, l'une des principales sources d'énergie (Dans le sens commun l'énergie désigne tout ce qui permet d'effectuer un travail, fabriquer de la...) du cerveau (Le cerveau est le principal organe du système nerveux central des animaux. Le cerveau traite...). En effet, les bactéries intestinales contiennent des enzymes réputées pour "casser" les polysaccharides (1), ces polymères constitués de sucres. Elles sont essentielles, car le génome (Le génome est l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une...) humain ne possède pas de telles enzymes.


Colonies de la flavobactérie marine Zobellia galactanivorans, étalées sur boîte de Pétri sur un milieu contenant de l'agar.
Crédits: © Tristan Barbeyron – CNRS

Deux équipes de chercheurs travaillant au sein de la station biologique de Roscoff (CNRS / UPMC) se sont intéressées à la porphyranase, une enzyme (Une enzyme est une molécule (protéine ou ARN dans le cas des ribozymes) permettant...) qui dégrade les polymères de sucres mais dont on ne soupçonnait pas la véritable action. Les scientifiques ont ainsi découvert que la porphyranase décompose une molécule (Une molécule est un assemblage chimique électriquement neutre d'au moins deux atomes, qui...) bien spécifique: le porphyrane, et non un autre substrat comme cela avait été supposé jusqu'à présent (2). Le porphyrane est un polymère (Un polymère (étymologie : du grec pollus, plusieurs, et meros, partie) est un...) de sucre, un des constituants des parois d'une algue marine de couleur (La couleur est la perception subjective qu'a l'œil d'une ou plusieurs fréquences d'ondes...) rouge appelée Porphyra. Ces dernières sont utilisées pour confectionner les "fameux" sushis. D'après les écrits, cette algue est consommée depuis de nombreuses générations par les Japonais (3). D'une grande importance culturelle au Japon, elle a parfois servi de cadeau ou bien, à payer certaines taxes.

Les chercheurs ont ensuite mis en évidence comment se déroulait la reconnaissance entre l'enzyme (porphyranase) et son substrat (porphyrane). Ils ont ainsi pu identifier la "signature" de la séquence qui intervient dans cette reconnaissance (site bien particulier de l'enzyme où se fixe le réactif). Comme prévu, cette nouvelle activité enzymatique a été décelée chez les bactéries marines. Poussant leurs investigations, les scientifiques ont comparé les données (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...) génomiques de la flore intestinale de 13 individus japonais et de 18 individus nord-américains. Ils ont alors découvert que la porphyranase était également présente dans la flore intestinale des Japonais (mais non dans celle des Nord-Américains).


Deux espèces de Porphyra (P. leucosticta - la plus grande feuille, brune; P. linearis - les plus petits morceaux, rougeâtres),
ramassées à marée basse sur des plages près de Roscoff, Bretagne.
Crédits: © Mirjam Czjzek – CNRS

Les chercheurs supposent que la présence de l'enzyme dans la flore intestinale des Japonais est directement liée à leur mode de nutrition. Grands consommateurs de Porphyra depuis plusieurs siècles, les Japonais seraient entrés en contact avec les bactéries marines qui renferment les porphyranases, via leur alimentation. Mirjam Czjzek et son équipe présument qu'un transfert de gènes des bactéries marines vers les bactéries de l'intestin (L'intestin est la partie du système digestif qui s'étend de la sortie de l'estomac à...) aurait permis à la microflore des Japonais de recevoir la "machinerie" pour dégrader les polymères de sucres de l'algue Porphyra. Ces travaux suggèrent que la nourriture associée à des bactéries marines pourrait être un moyen, pour la flore intestinale humaine, d'acquérir de nouvelles enzymes, ce qui pourrait entre autres expliquer leur diversité.


Notes:

(1) Par exemple, la cellulose et l'amidon (L'amidon (du latin amylum, non moulu) est un glucide complexe (polyoside) composé de...).
(2) On pensait auparavant que l'agarose, un polymère de sucre tiré également des algues rouges était le substrat de cette enzyme.
(3) Les textes attestent que l'algue était une forme de paiement au 8e siècle.
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