Les premières galaxies de l'Univers étaient petites, environ 10.000 fois moins massives que la Voie Lactée. Il y a des milliards d'années, ces minis fournaises ont forgé une multitude d'étoiles chaudes et massives. Dans le processus, elles ont semé les graines de leur propre destruction en baignant l'Univers de rayonnementultraviolet. Selon la théorie, ce rayonnement a empêché la formation de davantage de galaxies naines en ionisant et en réchauffant l'hydrogène gazeux environnant.
Les astronomes Stuart Wyithe de l'Université de Melbourne et Avi Loeb du Centre Harvard-Smithsonian d'Astrophysique ont présenté des preuves directes étayant cette théorie. Ils ont montré que l'Univers âgé d'un milliard d'années était dominé par de plus grandes galaxies, moins nombreuses, la formation de galaxies naines ayant principalement cessé seulement quelques centaines millions d'années après le Big Bang. "Les premières galaxies naines ont torpillé leur propre croissance et celle de leur descendance", indique Loeb. "La théorie le prévoyait, mais nous avons effectué les premières observations prouvant le comportement suicidaire de ces galaxies primordiales".
Vue d'artiste d'une galaxie naine primordiale constituée d'étoiles chaudes (bleues) et environnée de gaz hydrogène (rouge)
Il y a presque 14 milliards d'années, le Big Bang a rempli l'Univers de matière chaude sous forme d'électrons et d'ions hydrogène et hélium. Au fur et à mesure que l'espace augmentait de volume et se refroidissait, les électrons et les ions se sont combinés pour former des atomes neutres. Ces atomes absorbant efficacement la lumière, ont provoqué un brouillard sombre qui dominait tout l'espace. Les astronomes appellent cette ère les "Ages Sombres".
La première génération d'étoiles a commencé à percer ce brouillard en baignant l'Univers d'un rayonnement ultraviolet. Les UV fractionnent les atomes en électrons (négatifs) et en ions (positifs) par un processus appelé ionisation. Cette seconde phase d'ionisation est connue sous le nom "d'époque de re-ionisation". Elle s'est déroulée lors des premières centaines de millions d'années de l'Univers. "Nous voulions étudier cette période car c'est pendant celle-ci que la "soupe" primordiale s'est transformée dans le riche zoo d'objets que nous voyons actuellement", remarque Loeb.
Pendant cette époque essentielle dans l'histoire de l'Univers, les gaz furent non seulement ionisés, mais aussi réchauffés. Tandis que les gaz froids se regroupaient facilement en masse compacte pour former les étoiles et les galaxies, les gaz chauds refusaient cette contrainte. Plus un gaz est chaud, plus massive doit être une "graine" galactique afin d'attirer suffisamment de matière pour devenir une galaxie. Avant l'époque de la re-ionisation, seules des galaxies contenant l'équivalent de 100 millions de masses solaires de matière pouvaient facilement se former. Après cette période, il fallait plus de 10 milliards de masses solaires de matière pour qu'une galaxie se constitue.
Pour déterminer les masses typiques des galaxies, Wyithe et Loeb ont observé la lumière des quasars, ces sources lumineuses puissantes visibles à travers de vastes distances. La lumière des quasars connus les plus lointains les situe dans le temps à presque 13 milliards d'années, lorsque l'Univers n'avait qu'une fraction de son âge actuel. La lumière des quasars est absorbée par les nuages d'hydrogène liés aux galaxies primordiales. L'étude des variations de leur spectre fournit alors de précieuses indications.
En comparant les spectres de nombreux quasars le long de différentes lignes de mire, Wyithe et Loeb ont déterminé les tailles typiques des galaxies de l'enfance de l'Univers. De plus vastes galaxies, en nombre moins élevé conduisent à une plus grande variation de l'absorption le long de différentes lignes de visée. Et c'est ce que les chercheurs ont statistiquement trouvé.
"Par analogie, supposez que vous soyez dans une pièce où tout le monde parle", explique Wyithe. "Si cette pièce est peu peuplée, alors le bruit de fond est plus fort dans certaines parties de la salle que dans d'autres. Au contraire si la salle est très peuplée, le bruit de fond est le même partout. Le fait que nous observions des fluctuations de la lumière des quasars implique que l'Univers primordial ressemblait plus à la salle clairsemée qu'à la salle très peuplée".
Les astronomes espèrent confirmer l'interruption de la formation de galaxies naines en utilisant la prochaine génération de télescopes, des radiotélescopes capables de détecter l'hydrogène lointain et des télescopes infrarouges capable d'observer directement les jeunes galaxies. Lors de la prochaine décennie, les chercheurs illumineront les "Ages Sombres" de l'Univers.