Pluie, vents et brouillards pendant la descente de Huygens sur Titan

Publié par Michel le 04/12/2005 à 00:00
Source et illustrations: ESA
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Les images à haute résolution prises dans l'atmosphère de Titan par le radiomètre de descente (DISR) de la sonde Huygens alors qu'elle se posait en janvier dernier sur la surface de la plus grosse lune de Saturne étaient spectaculaires, mais ce ne furent pas les seules données obtenues par l'instrument. Le DISR et la mesure des vents par effet Doppler (DWE) ont donné matière à réflexion aux scientifiques.

La conversion irréversible du méthane en d'autres hydrocarbures dans la stratosphère de Titan implique l'existence d'un "réservoir" de méthane à la surface ou juste en dessous. Bien que la sonde spatiale Cassini n'ait jamais observé un réservoir global de surface et que les images du DISR ne montrent aucune nappe liquide d'hydrocarbure, les images de cet instrument révèlent malgré tout des traces évidentes d'écoulements liquides.

Les clichés de la surface ont permis de mieux comprendre la géologie de la lune. Des régions d'altitude élevée sont parcourues par des systèmes complexes de canaux qui s'écoulent dans des terres en contrebas, plates et plus sombres, probablement des lits de lacs ou de fleuves asséchés.

De forts contrastes lumineux

Les images prises après l'atterrissage dans une de ces zones en contrebas dévoilent plus de 50 pierres dont la taille varie entre 3 millimètres et 15 centimètres de diamètre. Aucune roche plus importante n'est observée. Cela suggère que les plus gros rochers ne peuvent être transportés jusqu'à cet endroit, alors que les petits cailloux (moins de 5 centimètres) sont rapidement retirés de la surface.


Le sol de Titan

De ces caractéristiques et de l'observation "d'étangs" et "d'îles" allongées parallèles au "littoral", les scientifiques pensent que les variations de luminosité constatées dans toutes les images seraient dues à des écoulements liquides (méthane, éthane ou les deux) le long des pentes, issus soit de sources, soit de pluies.


La surface de Titan depuis une altitude de 8 kilomètres

Les contrastes de luminosité peuvent être expliqués par "l'irrigation" du terrain le plus clair par des matériaux plus sombres charriés dans les canaux qui se déversent "au large", obscurcissant par ce fait cette zone. Des phénomènes "éoliens", tels que des rafales de vents ainsi que la faible gravité de Titan pourraient en outre faciliter ces transports de matières.


La surface de Titan depuis une altitude de 1,2 kilomètre

Que la lumière soit !

La lampe de surface de la sonde a fonctionné exactement comme prévu, permettant des mesures de réflexion sur la surface pendant la fin de la descente. Des mesures ont été également effectuées après l'atterrissage, la lampe se situant alors à environ 30 cm du sol.


Réflectivité de la surface de Titan

Le spectre infrarouge de réflectivité - l'élévation et la chute de l'éclat à différentes longueurs d'onde - est unique dans tout le Système Solaire. Il montre des signes de matériaux organiques tels que les "tholins" et des inflexions de luminosité conformes à de la glace d'eau. Cependant, la caractéristique la plus intrigante dans le spectre de surface est la signature infrarouge d'un matériau qui ne correspond à aucune combinaison des spectres de glace et de produits organiques complexes trouvés sur Terre.

Une relative humidité


Ces spectres montrent également une quantité de méthane près de la surface de 5% (+/- 1), ce qui est parfaitement en accord avec les 4.9% mesurés in situ par le spectromètre de la sonde. L'humidité relative correspondante en méthane est d'environ 50%.


Spectres atmosphériques

Par conséquent, la surface n'est pas complètement "aride", mais cela élimine la présence de nappes étendues de brouillards de méthane à proximité du site d'atterrissage.

Prises ensemble, ces observations clarifient le rôle du méthane dans le modelage de la surface de Titan et la façon dont il est recyclé dans l'atmosphère. L'humidité relative substantielle du méthane et l'évidence de flux de fluide sur la surface fournissent la preuve de l'existence de "pluies" de méthane et de leur évaporation ultérieure. Quelques indices sur des écoulements "cryovolcaniques" sont également visibles sur les images.

Des vents capricieux

En assemblant les mosaïques panoramiques, les scientifiques ont pu déterminer la trajectoire de descente grâce à un procédé itératif de reconstruction d'image. Cette trajectoire a permis de déduire la trace au sol de la sonde et de déterminer la variation de la vitesse de vents en fonction de l'altitude.

La sonde a dérivé fortement dans une direction Est Nord-est à cause des vents "progrades" de Titan (dans le sens de sa rotation). Elle a ralenti de 30 à 10 m/s entre les altitudes de 50 et 30 kilomètres, puis a ralenti plus rapidement (de 10 à 4 m/s) entre les altitudes de 30 et 20 kilomètres. Les vents sont tombés à zéro et se sont inversés à environ 7 kilomètres du sol, produisant un mouvement Ouest Nord-ouest sur environ 1 kilomètre pendant les 15 dernières minutes de la descente.

Les données de la DWE (Doppler Wind Experiment) qui ont été obtenues à partir de deux télescopes terrestres ont confirmé les résultats du DISR et ont fourni un profil vertical à haute résolution des vents sur Titan.


Vitesses et directions des vents (DWE & DISR)

La DWE a non seulement confirmé les fortes turbulences au-dessus de 120 kilomètres et la dérive vers l'est dans les vents progrades, mais également les faibles vents rétrogrades (vers l'ouest) à proximité de la surface.

Cette expérience a fourni la première confirmation in situ de la "super-rotation" de Titan (son atmosphère se déplace plus rapidement que sa surface). De façon plus inattendue, elle a également permis de découvrir une couche venteuse entre 60 et 100 kilomètres d'altitude, dont la vitesse est très inférieure et qui reste actuellement inexpliquée.

Notre dossier complet sur la mission Cassini-Huygens est à votre disposition: lien

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