Trier l'information pour mieux la mémoriser

Publié par Michel,
Source: CNRS-INSBAutres langues:
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Pour être efficace, un système mnésique doit à la fois être capable de stocker de manière stable les informations les plus pertinentes et, a contrario, de filtrer les données les moins fiables. Mais comment le cerveau sélectionne-t-il les expériences qui méritent d'être retenues à long terme ? Des chercheurs du Laboratoire de neurobiologie (LNB, CNRS/ESPCI Paris Tech), de l'Institut de neurobiologie Alfred Fessard (INAF) du CNRS et de l'Institut Max Planck de neurobiologie en Allemagne, apportent des éléments de réponse à cette question. Leur travail a été publié dans Nature Neuroscience.

Bien que le cerveau de la mouche drosophile se compose de seulement 100 000 neurones, contre 100 milliards chez l'Homme, il fonctionne selon les mêmes principes de base que celui des mammifères. Après un conditionnement olfactif associatif, au cours duquel la drosophile perçoit simultanément une odeur et des chocs électriques, il se forme une mémoire aversive à court terme vis-à-vis de cette odeur. Après plusieurs cycles de conditionnement espacés d'intervalles de repos d'au moins quinze minutes, une mémoire à long terme se forme et perdure plusieurs jours.

Comme c'est le cas chez les mammifères, la formation de la mémoire à long terme nécessite la synthèse de nouvelles protéines spécifiques ; elle est donc coûteuse en énergie pour l'organisme. Les chercheurs du LNB, de l'INAF et de l'Institut Max Planck de neurobiologie ont montré que même chez un organisme aussi simple que la drosophile, le cerveau est le siège de mécanismes puissants, qui contrôlent très précisément les informations qui seront stockées à long terme.

Par des expériences d'enregistrement de l'activité cérébrale in vivo, les scientifiques sont parvenus à caractériser l'activité électrique au sein de deux paires de neurones bilatéraux. Ces neurones, qui utilisent la dopamine comme neurotransmetteur, innervent les corps pédonculés, une structure bilatérale d'environ 5 000 neurones qui joue un rôle fondamental dans la formation et le stockage de la mémoire olfactive chez la drosophile. Les chercheurs ont démontré que lors de la formation de la mémoire à long terme, l'activité spontanée de ces deux paires de neurones dopaminergiques prend la forme d'oscillations calciques, lentes et régulières, d'une période d'environ 10 secondes (voir Figure).



Parmi les neurones dopaminergiques qui innervent les corps pédonculés dans chaque hémisphère du cerveau, on trouve des neurones impliqués dans la formation de la mémoire olfactive à court terme (en vert) et deux neurones (en orange) qui présentent une activité oscillante donnant lieu à la formation de la mémoire à long terme lors d'un conditionnement espacé. © LNB, Thomas Préat, Pierre-Yves Plaçais

Etant donné que la température corporelle de la drosophile n'est pas régulée, il est possible d'utiliser des toxines thermosensibles encodées génétiquement pour manipuler spécifiquement l'activité de ces deux paires de neurones. Ainsi, les chercheurs ont établi qu'en bloquant artificiellement ces neurones oscillants après conditionnement, il est possible d'empêcher la consolidation des souvenirs en mémoire à long terme.

Ces travaux montrent donc que la dopamine, comme chez les mammifères, joue un rôle positif essentiel, après conditionnement, dans la consolidation de la mémoire à long terme chez la drosophile. La précision des outils disponibles pour l'étude fonctionnelle du cerveau de cet animal a permis d'élucider le mécanisme par lequel un nombre extrêmement réduit de neurones dopaminergiques (deux neurones dans chaque hémisphère !) contrôlent la formation de la mémoire aversive à long terme. Ce mécanisme pourrait être de portée plus générale et servir de base à l'étude de la mémoire à long terme et à la compréhension de ses dysfonctionnements chez les mammifères.


Référence:

Slow oscillations in two pairs of dopaminergic neurons gate long-term memory formation in Drosophila, Pierre-Yves Plaçais, Séverine Trannoy, Guillaume Isabel, Yoshinori Aso, Igor Siwanowicz, Ghislain Belliart-Guérin, Philippe Vernier, Serge Birman, Hiromu Tanimoto, Thomas Préat, Nature Neuroscience (2012), doi:10.1038/nn.3055.
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