Mieux vaut avoir son quota de sommeil lorsque l'on se fait vacciner. CDC / Unsplash
Dans des sociétés de plus en plus mondialisées, les virus émergents constituent des menaces croissantes. De nouvelles souches de grippe, de nouveaux variants du SARS-CoV-2 sont continuellement identifiés. Dans un tel contexte, la vaccination constitue un outil majeur de santé publique.
Au-delà de la mise au point de nouveaux vaccins, serait-il possible d'améliorer l'efficacité vaccinale de ceux qui existent en jouant sur certains facteurs comportementaux ? La réponse pourrait être positive. En effet, divers travaux de recherche suggèrent que la durée du sommeil influence l'efficacité de la vaccination.
De quoi dépend la protection vaccinale ?
La protection conférée par un vaccin dépend de l'ampleur de la réponse immunitaire. Le taux d'anticorps produits suite à la vaccination, aussi appelée "réponse humorale", constitue un témoin de cette réponse immunitaire. Il est considéré comme un biomarqueur clinique de protection et un indicateur précoce de l'immunité.
Malheureusement, aucun d'entre eux ne peut être modifié rapidement dans l'optique d'optimiser la réponse humorale. Mais d'autres facteurs pourraient également entrer en jeu, comme la durée de sommeil.
Les effets du sommeil sur la réponse à la vaccination
Si un tel effet du sommeil était confirmé, nous aurions donc la possibilité de modifier relativement aisément ce comportement, en vue d'optimiser la réponse vaccinale, notamment dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
Suite à nos travaux, d'autres équipes ont ensuite mené des études pour déterminer les effets d'une durée de sommeil insuffisante sur la production d'anticorps suite à des vaccinations contre la grippe et l'hépatite. Leurs résultatsont cependant étéquelque peu mitigés, probablement en raison de différences méthodologiques, notamment en ce qui concernait les tailles d'échantillon, qui pour certaines, étaient limitées.
De façon à mieux informer la communauté scientifique et le public sur ce sujet, nous avons décidé d'effectuer une méta-analyse des données existantes sur le sujet, afin de les résumer et d'estimer avec précision la "taille de l'effet". Cette mesure statistique permet de déterminer si l'effet d'un sommeil insuffisant sur la réponse humorale est faible, moyen ou fort.
Une méta-analyse est en quelque sorte une "analyse d'analyses". Ce travail consiste à effectuer une revue systématique de la littérature afin de recenser toutes les études jugées pertinentes sur le sujet, puis à utiliser des techniques statistiques afin de combiner leurs résultats. Cela permet d'obtenir des estimations plus robustes que celles issues d'une unique étude.
Des résultats clairs pour les vaccins contre la grippe et l'hépatite
Le principal résultat de notre travail est qu'une durée insuffisante de sommeil, autrement dit inférieure à six heures par nuit, chez les adultes âgés de 18 à 60 ans, est associée à une forte diminution de la réponse à la vaccination (la durée du sommeil auto-rapportée, c'est-à-dire estimée par les participants, n'étant que modestement corrélée à la durée du sommeil objective, nous présentons ici les résultats obtenus lorsque le sommeil a été mesuré de façon objective).
Ce résultat a été obtenu à partir d'études ayant examiné le lien entre la durée du sommeil et les réponses immunitaires aux vaccins contre la grippe et l'hépatite.
La diminution des taux d'anticorps lors d'un sommeil insuffisant était identique à l'affaissement des anticorps observé deux mois après inoculation du vaccin Pfizer/BioNTech.
Des différences entre hommes et femmes
Lorsque les données étaient analysées séparément pour les hommes et les femmes, un sommeil insuffisant était associé à une forte réduction des taux d'anticorps chez les hommes.
Fait important, aucune des études incluses dans notre méta-analyse ne tenait compte de l'influence des taux d'hormones sexuelles de la femme sur la réponse immunitaire au vaccin, alors que les effets des hormones sexuelles sur la fonction immunitaire sont bien connus. La testostérone, les oestrogènes et la progestérone, en particulier, sont présentes à des concentrations différentes selon le sexe. Or, les oestrogènes stimulent la réponse humorale, alors que la testostérone et la progestérone ont des effets immunosuppresseurs.
La durée du sommeil a des effets sur la réponse immunitaire humorale à la vaccination. DR, Fourni par l'auteur
Quelles sont les prochaines étapes ?
Notre méta-analyse suggère que s'assurer d'une durée de sommeil suffisante aux alentours de la vaccination peut améliorer la réponse humorale à diverses souches de virus.
De nombreuses questions doivent encore être élucidées. Des études à grande échelle sont notamment indispensables pour définir la fenêtre temporelle durant laquelle l'optimisation de la durée du sommeil est la plus bénéfique, avant et après la vaccination. Il faudra aussi déterminer l'impact des hormones sexuelles dans la relation entre la durée du sommeil et la réponse des anticorps à la vaccination chez les femmes. Enfin, il sera nécessaire d'estimer avec plus de précision l'ampleur de la dette de sommeil susceptible d'avoir un effet délétère sur la réponse immunitaire.
Des millions de personnes seront encore vaccinées contre le coronavirus SARS-CoV-2 et d'autres virus, ou recevront des rappels. Ces campagnes constituent une occasion sans précédent de recueillir de données sur la durée du sommeil au moment de la vaccination, ainsi que sur les niveaux d'hormones sexuelles, afin d'étudier en détail le rôle joué par la durée du sommeil dans la réponse immunitaire à la vaccination.