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Le graphène ? En bonne voie pour une production industrielle
Publié par Adrien, Source: BE Pologne numéro 20 (28/09/2012) - Ambassade de France en Pologne / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /71088.htm Illustration: CarbophiliacAutres langues:
Considéré par beaucoup comme un matériau d'avenir, le graphène demeure coûteux à produire et difficile à fabriquer. Une nouvelle méthode de fabrication du graphène, qui ne nécessite aucun équipement spécialisé, a été développée par des scientifiques de l'Institut de Chimie Physique de l'Académie Polonaise des Sciences (IChF PAN) à Varsovie en collaboration avec l'Institut de Recherche Interdisciplinaire de Lille (Unité Mixte de Recherche). Ce procédé, publié dans le journal Chemical Communication, est d'une telle simplicité qu'il peut être mis en oeuvre dans n'importe quel laboratoire.
Le graphène, matériau aux milles promesses...
Isolé pour la première fois en 2004 à Manchester au Royaume-Uni, le graphène est un cristal de carbone monoplan avec des propriétés physiques hors du commun qui attirent de nombreux chercheurs. La découverte du graphène, qui n'a nécessité qu'une mine de crayon et du papier adhésif, a été récompensée, six années plus tard, par le prix Nobel de physique 2010 remis à Konstantin Novoselov et Andre Geim.
Le graphène est produit à partir du graphite, qui est en fait une succession de milliards de couches de graphènes. Ce dernier se présente comme un feuillet monocouche bidimensionnelle, de maille hexagonale, dont l'épaisseur (celle de l'atome de carbone, son seul constituant), est de 70 picomètres, soit un millionième d'un cheveu humain.
Représentation du graphène
Des propriétés physiques inédites sont associées à la structure en feuillet monocouche du graphène: les scientifiques le décrivent comme étant le matériau le plus fin et l'un des plus résistants connu à ce jour. Il possède des conductivités thermique et électrique respectivement 80 et 150 fois supérieures à celles du silicium. A température ambiante, la mobilité des électrons au sein du graphène est de 200.000 cm2 par volt par seconde, ce qui correspond à une vitesse de 1000 km/s, alors que celle du silicium n'est que de 1.400 cm2/V.s-1 (7 km/s). Selon des recherches récentes, le graphène aurait même certaines propriétés adhésives lui permettant, sous forme de membrane, d'être un épurateur d'eau ou un séparateur de gaz. Le graphène parait donc un sérieux candidat pour remplacer le silicium et ainsi permettre la miniaturisation extrême des transistors.
...encore difficile à produire en quantités industrielles
Le graphène intéresse évidemment les entreprises du secteur de l'électronique, notamment pour la fabrication d'écrans minces, souples et résistants ou de puces à très haut débit. Il pourrait également amener au développement d'une nouvelle génération de capteurs et de biosenseurs utiles pour les technologies propres et les biotechnologies.
Mais jusqu'à présent, les recherches sur le graphène ont été limitées par le coût et la difficulté de le produire en grande quantité. La production d'un feuillet de graphène demande un très haut niveau de technicité du fait de son épaisseur de 70 picomètres. Les méthodes actuelles de fabrication du graphène suivent des procédures complexes qui nécessitent un matériel onéreux et spécialisé. L'une de ces méthodes consiste à cristalliser du graphène en chauffant sous vide et à 1300°C du carbure de silicium (SiC) afin que les atomes de silicium des couches externes s'en évaporent. Après un temps bien déterminé, les atomes de carbone restants se réorganisent en fines couches de graphène. Une autre méthode, nommé " dépôt chimique en phase vapeur ", permet de créer du graphène par la décomposition d'un gaz carboné (e.g. le méthane) sur un métal porté à haute température comme le nickel ou le cuivre.
"Si nous voulons élargir les applications industrielles du graphène, nous devons trouver de meilleures procédés pour le produire en grandes quantités, de façon contrôlée et sans avoir à utiliser du matériel coûteux et spécialisé", - annonce Izabela Kaminska, doctorante à l'IChF PAN de Varsovie et premier auteur de la publication.
Un nouveau procédé de production simple et bon marché
La nouvelle méthode de production du graphène mise au point par l'équipe franco-polonaise ne nécessite que du graphite, un sonicateur, du tétrathiafulvalene (TTF, de formule chimique C6H4S4) et du perchlorate ferrique (Fe(ClO4)3), tous étant des produits facilement disponibles.
Les feuillets de graphène étant très difficilement séparables les unes des autres, la première étape consiste à oxyder la matière première, le graphite. L'incorporation de molécules d'oxygène, réalisée par la méthode de Hummers, écarte les feuillets les uns des autres et favorisent in fine leur décollement. La poudre obtenue - l'oxyde de graphite - est ensuite mise en suspension dans l'eau et placée dans un sonicateur. Les ondes sonores de haute fréquence permettent d'exfolier les feuilles d'oxyde de graphène en formant des "paillettes", qui sont constituées de couches successives de graphène de 200 à 500 nanomètres d'épaisseur. Cependant, lors d'une rencontre avec le service scientifique de l'ambassade de France à Varsovie, Izabela Kaminska précise que "l'oxydation a changé de façon spectaculaire les propriétés physico-chimiques du graphène. Au lieu d'un excellent conducteur, nous obtenions ... un parfait isolant".
Pour éliminer l'oxygène de l'oxyde de graphène, l'équipe franco-polonaise à eu l'idée d'ajouter du tétrathiafulvalene (TTF), un composé organo-sulfuré donneur d'électrons. Les molécules de TTF restantes sont finalement éliminées par une dernière réaction d'oxydation par du perchlorate ferrique puis par un lavage dans une solution neutre de TTF. Les paillettes résultantes, comprenant des couches de graphène de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres d'épaisseur, sont obtenues en déposant une goutte du mélange sur une électrode.
Cette découverte devrait encourager les scientifiques à pousser plus loin les recherches sur le graphène pour créer l'électronique du futur, à l'heure où les experts de l'industrie du silicium annoncent la limite physique de l'évolution des performances de la microélectronique. Le 7 août 2012 a été annoncée en Pologne le premier appel à projet de GRAF-TECH, un consortium d'entreprises et d'institutions scientifiques en vue de produire du graphène et de l'utiliser dans l'industrie, notamment pour la construction d'écrans d'ordinateurs et de panneaux solaires. GRAF-TECH est financé par des fonds privés et publics, le NCBiR (Centre National de Recherche et Développement) participant à hauteur de 60 M PLN (15 M euros). La société américaine BCC Research estime que la valeur du marché des produits à base de graphène s'élèvera en 2015 à 67 millions de dollars et dix fois plus en 2020.