En permettant de manipuler l'activité des neurones avec un faisceau lumineux, l'optogénétique ouvre la voie à l'établissement de liens causaux entre l'activité cérébrale et les comportements animaux. Les chercheurs de l'équipe de Valentina Emiliani au Laboratoire de neurophotonique ont récemment mis au point un fibroscope permettant, chez la souris éveillée et libre de ses mouvements, de manipuler l'activité de chaque neurone d'une région cérébrale en les ciblant sélectivement à l'aide de faisceaux lumineux sculptés à l'échelle micrométrique. Ces résultats, publiés dans la revue Neuron, permettent d'envisager l'étude approfondie de microcircuits neuronaux au cours de comportements animaux.
L'établissement de liens causaux entre l'activité de neurones au sein du cerveau et les comportements animaux est un but majeur des neurosciences. En permettant de "photoactiver" les neurones, c'est à dire de manipuler leur activité en les éclairant avec un faisceau lumineux, l'optogénétique ouvre une voie prometteuse vers cet objectif. Cependant, jusqu'à présent, les expériences de photoactivation dans le système nerveux de rongeurs libres de leurs mouvements ont consisté à illuminer uniformément une large région du cerveau au moyen d'une fibre optique unique, et n'ont donc pas permis de manipuler de manière indépendante l'activité de différents neurones.
Dans ce travail, un groupe interdisciplinaire de chercheurs comprenant des physiciens, Valentina Emiliani et Cathie Ventalon, un doctorant,Vivien Szabo, un neurobiologiste, Jonathan Bradley du Laboratoire de Physiologie Cérébrale UMR8118, et un ingénieur roboticien, Vincent de Sars, a conçu un fibroscope qui permet de cibler précisément un ou plusieurs neurones du cerveau d'une souris. Ce fibroscope est composé de deux parties: un microscope qui permet, en utilisant le principe de l'holographie, de sculpter à une échelle micrométrique des motifs de lumière adaptés à la forme et à la position des cellules à activer ; et un guide d'image, ou faisceau de fibres optiques très compact, qui permet de transmettre ces motifs lumineux vers le cerveau de la souris. A l'une des extrémités du guide d'image est attaché un micro-objectif, lui-même fixé à la tête de la souris. Le fibroscope contient aussi un système d'imagerie sophistiqué qui permet de repérer la position des cellules et de mesurer leur activité. Grâce à ce nouvel outil, il a été possible de photoactiver sélectivement, et avec une résolution proche de la taille d'une cellule, des neurones au sein du cerveau d'une souris éveillée et libre de ses mouvements.
Étape importante de développement technologique, ce travail apporte un outil nouveau permet-tant d'étudier les implications causales de l'activité de réseaux locaux de neurones dans les comportements animaux.