La rupture prématurée des membranes foetales, appelées "poches des eaux", concerne 3% des grossesses et 30% de la prématurité. Dans cet article, publié dans la revue eLife, les scientifiques ont analysé l'expression des gènes au niveau des membranes foetales au terme de la grossesse. Les résultats obtenus permettent de décrypter les cascades de réactions moléculaires conduisant à la régulation de l'expression du récepteur TLR4, qui est impliqué dans le processus inflammatoire conduisant à la rupture des membranes foetales et à la naissance du bébé.
Les membranes foetales, constituées de l'amnios et du chorion, délimitent une cavité remplie de liquide amniotique dans lequel baigne le foetus durant les 9 mois de la grossesse. Les membranes foetales sont donc essentielles pour l'homéostasie du liquide amniotique afin d'assurer le bien-être du foetus. De plus, elles sont nécessaires pour la protection de ce dernier contre les infections, ainsi que pour l'initiation de l'accouchement puisqu'elles captent des signaux moléculaires et mécaniques conduisant à leur rupture. Cette dernière (communément appelée rupture de la "poche des eaux") est un phénomène physiologique survenant en fin de grossesse. Elle est la conséquence de l'apparition, au contact du col utérin, d'une zone appelée ZAM (pour zone morphologiquement altérée) qui sera soumise à de nombreuses tensions exacerbées par le déclenchement des contractions utérines précédant la naissance. Résultant de réactions biochimiques et inflammatoires, les nombreux remaniements structurels vont conduire à la séparation de l'amnios et du chorion puis à leur rupture en commençant par la couche la plus externe et la plus fragile qu'est le chorion. Cependant, dans 3% des grossesses, la rupture des membranes foetales est prématurée, elle est délétère pour le foetus et par la suite pour le nouveau-né.
Les scientifiques ont voulu comprendre pourquoi, au niveau moléculaire, les membranes amniotiques ont une forte propension à rompre dans cette zone particulière (ZAM) en se focalisant sur ce qui s'initie en condition physiologique afin de pouvoir l'extrapoler en condition pathologique. Ils se sont intéressés au lien entre la méthylation de l'ADN et l'expression des gènes dans les membranes foetales lors de la rupture programmée. Pour cela, une étude des profils de méthylation globaux complétés par une analyse transcriptomique sur 9 patientes et sur 4 types d'échantillons par patiente: Amnios - zone ZAM, Amnios - zone ZIM (correspondant aux zones des membranes foetales qui ne sont pas en contact avec le cervix), Chorion - zone ZAM et Chorion - zone ZIM. Les résultats obtenus démontrent que dans la zone ZAM, 117 gènes sont hyperméthylés dans l'amnios et surexprimés dans le chorion. Parmi ces derniers, TLR4 (Toll-Like Receptor 4), déjà connu comme un acteur important dans la rupture des membranes foetales après une infection microbienne, semble capital dans la mise en place de l'inflammation dite "stérile" (en absence de microorganismes).
Ce phénomène apparaît de plus en plus comme une pierre angulaire de la préparation de la rupture de la poche des eaux à terme au niveau de la zone ZAM. Des études in vitro sur une lignée de des cellules épithéliales amniocytaires AV3 et sur des amniocytes primaires permettent de comprendre comment l'expression de TLR4 est contrôlée. Ce récepteur est soumis à la fois aux marques épigénétiques (méthylation de l'ADN) et à une régulation post-transcriptionnelle due à l'augmentation de l'expression des micro-RNA let7a-2 et miR-125b-1 dans l'amnios, démontrant ainsi la complexité de la préparation de la rupture des membranes foetales.
Ces résultats, établissant une cartographie exhaustive des gènes différentiellement exprimés au sein des 2 feuillets des membranes foetales confirment l'importance des acteurs de l'inflammation et la finesse de leur régulation pour préparer leur rupture et déclencher l'accouchement. Cela ouvre la voie à des études complémentaires sur les autres gènes d'importance mis en évidence lors de cette étude à grande échelle.
Laboratoire:
Institut de génétique reproduction et développement - iGReD (CNRS/Université Clermont Auvergne/Inserm).
28 place Henri Dunant. 63001 Clermont-Ferrand Cedex 1.
Contact:
Corinne Belville - Ingénieure de recherche Inserm - corinne.belville at uca.fr