Dans les aliments, dans des échantillons de terre ou au passage des douanes: comment identifier rapidement des fragments de plantes ? L'utilisation de "code-barres" ADN pour effectuer un inventaire de la biodiversité végétale est une méthode qui a été proposée lors du sommet de Rio de Janeiro en 1992. L'équipe de Jérôme Chave du laboratoire Evolution et diversité biologique (1) a testé cette technique dans la forêt tropicale de la station CNRS des Nouragues (Guyane française) (2). Leur étude, publiée dans la revue PlosOne, montre que si l'identification des espèces végétales est fortement améliorée, certains aspects de cette méthode demeurent problématiques, notamment pour les espèces tropicales.
Parvenir à un inventaire à grande échelle de la biodiversité des plantes se révèle essentiel pour le développement de stratégies en matière de conservation. Dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (3), l'utilisation d'une technique de code-barres ADN a été proposée pour identifier les espèces végétales et animales. Cette méthode consiste à séquencer, à partir du tissu, de courts fragments d'ADN qui contiennent une quantité énorme d'information. Ces fragments sont ensuite comparés à des collections de référence afin d'identifier leur provenance. En août 2009, après plusieurs années de discussion, un consensus international mené par le groupe de travail sur les plantes du Consortium for the Barcode of Life (CBoL) a déclaré que deux marqueurs ADN (deux régions sur les gènes baptisés rbcL et matK) seraient suffisants pour caractériser 250 000 espèces de plantes.
L'équipe du laboratoire Evolution et diversité biologique(1) de Toulouse, en collaboration avec des partenaires guyanais, a effectué le premier test en milieu tropical forestier de cette méthode de code-barres ADN. Au total, 8 candidats code-barres ont été testés sur plus de 200 espèces d'arbres échantillonnés à la station CNRS des Nouragues en Guyane française(2). Plus de 2 000 séquences d'ADN ont ainsi été générées pour ce projet. Résultat: les avancées en termes de discrimination des espèces végétales sont énormes. Cependant, le succès d'identification n'a pas dépassé 70 % et l'un des deux marqueurs proposé par CBoL s'est révélé très difficile à séquencer.
A l'interface entre recherche fondamentale et appliquée, ces travaux suggèrent qu'en dépit de l'outil inestimable que constituent les code-barres ADN pour l'identification des espèces végétales, la méthode proposée internationalement pose des problèmes dans des familles de plantes exclusivement tropicales. Les résoudre permettrait, entre autres, de recenser et de suivre la biodiversité des plantes amazoniennes beaucoup plus efficacement.
[i ]Notes:
(1) Laboratoire Evolution et diversité biologique (Université Toulouse 3 / CNRS / Ecole nationale de formation agronomique)
(2) La station des Nouragues est une station scientifique du CNRS implantée au coeur de la forêt tropicale de la Réserve naturelle des Nouragues, en Guyane française. C'est un lieu privilégié pour l'étude du fonctionnement des forêts tropicales et de sa biodiversité.
(3) La Convention sur la diversité biologique (CDB) est un traité international adopté lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, avec pour objectif de développer des stratégies nationales pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. Parmi les termes de la CDB figure l'interdiction de faire commerce d'espèces protégées telles que les orchidées ou des bois précieux.[/i]