Dans une étude publiée par PLoS Pathogens, une équipe française associant des scientifiques de deux unités mixtes de recherche (Laboratoire écologie et biologie des interactions et Laboratoire évolution et diversité biologique) a exploré les stratégies de transmission d'une bactérie parasite. Ce travail a montré qu'en étant implantée chez une autre espèce que son hôte naturel, cette bactérie devenait fatale: le nouvel hôte, à trop se défendre contre un parasite inconnu, provoque sa propre mort !
Pour se transmettre d'un hôte à l'autre, les parasites ont le choix entre deux stratégies: soit l'option "cool", en diminuant leur virulence pour profiter de la reproduction de l'hôte afin de se transmettre à sa descendance, soit, au contraire, l'option agressive où la virulence est augmentée, ce qui favorise une transmission infectieuse. Les bactéries Wolbachia constituent un modèle idéal pour étudier de telles stratégies. Ces bactéries symbiotiques infectent un large spectre d'arthropodes (insectes, araignées, crustacés, etc.) chez qui elles se transmettent par voie verticale, de la mère aux descendants. Dans ce contexte, on observe en général une faible virulence des Wolbachia, car celles-ci n'ont pas intérêt à affaiblir leur hôte. Cependant, de nombreux indices suggèrent qu'un autre mode de transmission, par voie horizontale (infectieuse, d'hôte à hôte), joue un rôle important dans la dispersion de ces bactéries. Dans ce cas, on peut s'attendre à ce que leur virulence soit modifiée, en particulier lorsque hôtes et parasites n'ont pas co-évolué.
Dans l'étude publiée par PLoS Pathogens, une souche de Wolbachia, peu virulente chez son hôte natif, le cloporte commun, a été introduite artificiellement chez une espèce voisine, Porcellio d. dilatatus. Ce transfert de parasite aboutit à la mort des receveurs. Des symptômes tels que la perte d'activité locomotrice accompagnée de tremblements et de convulsions suggèrent une atteinte du système nerveux. Les Wolbachia se multiplient certes abondamment dans le système nerveux central de l'hôte receveur mais pas plus que chez l'hôte natif, lequel ne présente pas ces symptômes. En revanche, il y a une grande différence entre les hôtes natifs et les receveurs: alors que les cellules nerveuses des premiers conservent un aspect normal malgré l'infection, les cellules nerveuses des seconds sont totalement désorganisées suite au processus d'autophagie. Il s'agit d'un moyen de lutte qui consiste, pour la cellule infectée, à digérer une partie de son contenu s'il est indésirable. Ainsi, l'hôte natif chez qui la bactérie se transmet verticalement semble tolérer cette dernière sans déclencher de réponse autophagique tandis qu'à la suite d'un transfert horizontal, l'hôte receveur essaye de lutter. L'intense réaction autophagique déclenchée contre le symbiote se retourne alors contre l'hôte lui-même et semble être la cause des symptômes observés et de la mort qui s'ensuit.
Ces résultats montrent qu'un symbiote peut devenir pathogène du fait de la réaction de défense que son hôte déclenche. Cela illustre également le fait que, dans certaines situations d'infection par un microorganisme, la tolérance immunitaire peut constituer une meilleure stratégie que la lutte...
Référence:
High Virulence of Wolbachia after Host Switching: When Autophagy Hurts, PLoS Pathogens, Winka Le Clec'h, Christine Braquart-Varnier, Maryline Raimond, Jean-Baptiste Ferdy, Didier Bouchon & Mathieu Sicard.