Les scientifiques savent depuis longtemps qu'il est possible de confiner des électrons ou des atomes à l'intérieur de structures atomiques à la façon dont des moutons peuvent être enfermés dans un enclos. Les physiciens de l'Institut de Physique des Microstructures Max Planck à Halle ont désormais découvert un phénomène étrange: si les barrières atomiques ont une forme correcte et si le substrat, la température et d'autres paramètres sont ajustés convenablement, alors des atomes déposés aléatoirement s'ordonnent en structures régulières à l'intérieur de la clôture circulaire, un peu comme des moutons bien sages se rangeant en bon ordre dans un parc (Physical Review Letters du 2 novembre 2006).
Un enclos elliptique constitué d'atomes de cobalt sur un substrat de cuivre: Les électrons à l'intérieur de ce parc se comportent comme les ondulations de l'eau à la surface d'un étang
Depuis plusieurs années, de nombreux groupes de chercheurs de par le monde s'évertuent à confiner des électrons de conduction (les électrons utilisés pour la conduction du courant électronique) sur la surface de certains matériaux dans des modèles utilisant des barrières d'atomes judicieusement disposés. Leur intention est d'influencer la croissance des couches minces du matériau. Quand de nouveaux atomes, appelés les "adatomes", sont déposés par vaporisation sur ces structures électroniques, l'attraction et la répulsion les fait se ranger en certaines zones plutôt qu'en d'autres, selon la densité des électrons sur le matériau. Les physiciens espèrent ainsi pouvoir créer des fines couches du matériau possédant des caractéristiques prédéterminées en travaillant sur la densité des électrons.
Les chercheurs de l'Institut Max Planck ainsi que des physiciens de l'université de Halle et de l'université de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne ont étudié une forme spéciale de structure électronique. Ils ont observé le comportement des électrons dans des ellipses fermées d'atomes de cobalt sur un substrat de cuivre. Les électrons de conduction peuvent être imaginés comme un gaz ou un liquide ; ils forment des ondes stables dans des "parcs" atomiques circulaires semblables aux vagues à la surface d'un petit étang.
Les physiciens ont alors simulé les effets du dépôt par vaporisation des adatomes de cobalt. Les nouveaux atomes interagissent avec les atomes de cobalt de la "barrière" du parc et avec les électrons à l'intérieur. A très basse température (10 à 20 kelvins), il se crée de minuscules fluctuations des niveaux d'énergie qui provoquent le positionnement des adatomes aux endroits où la densité des électrons est la plus forte.
Arrangement d'atomes de cobalt sur un substrat d'atomes de cuivre (à gauche) et d'atomes de cérium sur un substrat d'argent (à droite) dans un parc clos respectivement par des atomes de cobalt ou de cérium
Les atomes de cobalt s'ordonnent d'eux-mêmes, pour ainsi dire, selon les vagues d'un étang d'électrons elliptique. Avec les adatomes qui peuvent se déplacer plus facilement à basse température (par exemple des atomes du cérium et une clôture circulaire), les chercheurs ont créé des structures régulières sur les cercles eux-mêmes. Par analogie, on peut penser à des moutons à qui l'ont permet de circuler librement dans un enclos et qui s'aligneraient docilement le long de cercles concentriques, à intervalles réguliers.
La prochaine étape sera de fournir la preuve expérimentale de ces simulations, ce qui devrait être possible avec la microscopie à force atomique actuelle, et de trouver de nouveaux moyens de créer les couches minces de matériau.