Contrôle insuffisant de l'eau et de l'air des piscines

Publié par Isabelle,
Source: Mathieu-Robert Sauvé - Université de MontréalAutres langues:
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)


Des chercheurs ont évoqué des liens possibles entre l'exposition à certains produits qu'on trouve dans les piscines et le cancer de la vessie, ainsi que certaines formes d'asthme. (Photo: Paul Sapiano)
L'eau des piscines et l'air environnant ne sont pas suffisamment contrôlés.

Plonger dans une piscine, c'est plonger dans une solution de matière organique, de substances azotées et d'agents désinfectants. "On trouve plus de 600 sous-produits de désinfection dans les eaux de piscine et dans l'air environnant. Et autant de produits sont encore à dépister", signale le chimiste Robert Tardif, professeur titulaire au Département de santé environnementale et santé au travail de l'Université de Montréal, qui s'intéresse depuis 20 ans à l'exposition aux produits de la vie courante.

Même s'ils affichent des concentrations infimes, certains de ces composés (principalement les chloramines et trihalométhanes et les acides haloacétiques) pourraient se révéler dangereux pour la santé humaine. Des chercheurs ont évoqué des liens possibles entre l'exposition à ces produits et le cancer de la vessie et, plus récemment, certaines formes d'asthme. Une équipe de Québec a intégré des chercheurs montréalais dans une vaste enquête visant à évaluer les liens éventuels entre ces sous-produits de désinfection et... les bébés de petit poids. Présents aussi dans l'eau de consommation, ces produits pourraient engendrer des retards utérins chez les femmes enceintes qui entrent en contact avec l'eau traitée quand elles boivent l'eau du robinet et prennent leur douche ou leur bain. L'eau des piscines pourrait être une source supplémentaire d'exposition, pendant des cours d'aquaforme prénatale par exemple.

"Ceux qui fréquentent les piscines occasionnellement sont probablement peu affectés dans l'ensemble, mais nous croyons que les employés qui y passent des journées entières pourraient être à risque, de même que les athlètes qui s'entrainent à l'année", dit M. Tardif.


Cyril Catto et Robert Tardif
Avec Cyril Catto, qui met actuellement la dernière main à une thèse sur cette question, il travaille à une méthodologie permettant de mieux estimer l'exposition dans les piscines à ces produits possiblement toxiques. C'est la première fois qu'une équipe de scientifiques se penche sur le risque chimique associé aux sous-produits dans les piscines publiques au Québec. "Nous n'avons pas de raisons de croire que la situation fait gravement problème. Mais il nous semble essentiel de mettre en place des systèmes de mesure pour documenter les niveaux d'exposition dans les piscines québécoises, comme cela a été fait dans d'autres pays", précise-t-il.

Père de deux enfants qui ont obtenu des brevets de sauveteur et lui-même adepte de la baignade, Robert Tardif ne veut surtout pas donner l'impression que la situation est alarmante. "Les gens ne doivent pas craindre les piscines au point de renoncer à y aller. Mais il demeure un peu étonnant qu'on n'ait jamais établi de normes claires en matière d'effets sur la santé de certains produits toxiques présents dans l'environnement des piscines."

Effets secondaires


Il y a deux types de contamination possible dans l'eau de baignade: la première, microbiologique, est la plus menaçante. Dissous dans l'eau, les coliformes fécaux et bactéries provoquant diarrhées, gastroentérites et, dans le pire des cas, une infection à E. coli (jamais survenue jusqu'à maintenant au Québec) sont la crainte numéro un des autorités de santé publique. Contre ce risque, on sort l'artillerie lourde: le chlore.

La seconde contamination, chimique, découle justement de cette opération. Les sous-produits résultent d'une réaction chimique provoquée par le combat que mènent sous les vagues les produits de désinfection qui s'attaquent aux molécules organiques ou azotées, naturellement présentes dans l'eau ou apportées par les baigneurs (cheveux, produits cosmétiques, urine). Plusieurs de ces sous-produits se volatilisent aisément. L'"odeur de chlore" qui chatouille les narines aux environs d'une piscine, c'est en réalité l'odeur d'une famille issue de ces sous-produits: les chloramines. "Quand vous avez les yeux qui piquent au sortir d'une baignade, c'est souvent la faute des chloramines et en particulier de la plus volatile, la trichloramine", explique Robert Tardif. À des concentrations faibles, souligne-t-il, il n'y a aucun risque. Mais il rappelle le vieux principe des toxicologues: le poison est dans la dose !

Pour les besoins de sa recherche, Cyril Catto a procédé, avec l'aide d'une équipe de l'Université Laval, à un échantillonnage détaillé dans deux piscines de la région de Québec. Il a récolté des échantillons de l'air ambiant en au moins trois endroits distincts autour des bassins ainsi que dans les salles adjacentes (vestiaires, bureau des sauveteurs) quatre fois par jour, pendant une semaine, et a répété l'opération quelques semaines plus tard. Il a aussi parallèlement effectué de nombreux prélèvements d'eau. Les analyses ne sont pas assez avancées pour être dévoilées, mais elles pourraient permettre de documenter un peu mieux la présence de contaminants. "Nous avons pris des piscines de dimension moyenne, bien entretenues, accueillant de 30 à 50 baigneurs pendant les périodes d'étude. Mais si notre modèle est validé, il se prêtera à des évaluations plus diversifiées."

L' Europe passe aux actes


En Europe, le sujet est pris très au sérieux par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui a publié l'an dernier un document de 230 pages intitulé Risques sanitaires liés aux piscines, auquel M. Tardif a participé. On y rappelle que l'exposition aux produits chimiques peut comprendre la voie orale (ingestion de l'eau), respiratoire (inhalation d'aérosols) ou cutanée (par contact avec l'eau). Deux catégories d'utilisateurs sont particulièrement visées: les très jeunes enfants (de zéro à deux ans) et les travailleurs.

Considérés comme une "population particulièrement vulnérable", les bébés devraient, avant de prendre part à des activités aquatiques en piscine intérieure, en avoir été autorisés par un médecin. "Au vu des bénéfices que pourrait apporter cette pratique comparés aux risques", peut-on lire, l'Agence "appelle à la vigilance". Avant même d'inscrire leur bambin à ces activités, les parents devraient en informer leur médecin traitant...

Quant aux travailleurs des piscines, ils courent différents risques dont ceux de souffrir d'asthme, de rhinite et d'irritation oculaire. Aussi, le personnel des piscines doit-il bénéficier d'un "suivi médical renforcé à l'embauche, pendant la période d'activité, puis après l'arrêt de l'activité". De plus, "il est recommandé que les agents chargés de l'entretien, du traitement de l'eau et de la ventilation reçoivent une formation propre à leur poste".

Une série de recommandations porte sur l'entretien des installations, le nettoyage et le traitement de l'eau. L'Agence préconise de considérer les piscines comme des "bâtiments à pollution spécifique", ce qui implique des normes strictes en matière de ventilation.

Au Québec, reconnait Robert Tardif, on est encore loin d'un tel rapport. Mais les prochains mois devraient nous en apprendre davantage sur la question.
Page générée en 0.430 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise