La "double vie" d'un champignon symbiotique des arbres

Publié par Adrien,
Source: CNRS
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Comment les symbioses mycorhiziennes entre arbres et champignons participent à la croissance des arbres et au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers ? Laccaria bicolor a été choisi pour être le premier champignon mycorhizien séquencé du fait de son importance écologique et agronomique mondiale.

La symbiose mycorhizienne, une association à bénéfice réciproque


Le Laccaire, ou Clitocybe laqué, est un champignon forestier capable, comme les cèpes et les truffes, d'établir des associations symbiotiques avec différentes essences forestières: hêtre, chêne, pin. Le champignon forme un réseau souterrain qui entre en contact avec les racines des arbres pour former une structure d'échange, la mycorhize. Dans cette symbiose, le champignon transfère à la plante des minéraux (phosphore, nitrates, ammonium) et des acides aminés, tandis qu'il bénéficie d'un accès préférentiel aux sucres simples issus de la photosynthèse de la plante. Pour Francis Martin, directeur de l'unité mixte de recherche INRA – Nancy-Université, coordonnateur de ce programme de génomique, "les mycorhizes sont essentielles aux écosystèmes terrestres, car la majorité des plantes dépendent de ce type d'interactions pour prospérer".


Le champignon ectomycorhizien Laccaria bicolor

Afin de comprendre les bases génétiques de la symbiose mycorhizienne, un consortium international de chercheurs a séquencé les 65 millions de paires de bases du champignon Laccaria bicolor. Ce génome, le plus grand connu chez les champignons, contient environ 20 000 gènes dont plusieurs centaines n'avaient jamais été identifiés et pourraient jouer un rôle fondamental dans la mise en place de la vie symbiotique.

Laccaria bicolor est le premier champignon mycorhizien séquencé, il a été choisi comme modèle du fait de son importance écologique et agronomique. Il est en effet largement répandu dans les écosystèmes forestiers et utilisé, via la mycorhization contrôlée, dans les plantations du monde entier. Il est d'ailleurs commercialisé en France, sous licence INRA, en vue d'obtenir des plants forestiers de qualité.

Un équipement enzymatique adapté à la "double vie" de Laccaria: en symbiose et libre dans la litière forestière


En réalisant l'inventaire des gènes de Laccaria, les chercheurs ont eu la surprise de constater que ce champignon ne possède pas l'arsenal enzymatique nécessaire à la dégradation des polysaccharides, sucres complexes, constituants les parois végétales (cellulose, pectines). Ces enzymes de dégradation sont généralement présentes chez les champignons vivant sur les plantes ou dans le sol. Cette observation explique la capacité du champignon à vivre dans la racine de son hôte sans l'agresser, dans une relation à bénéfices réciproques.

En revanche, Laccaria est capable d'utiliser efficacement les protéines des feuilles décomposées par les pourritures de la litière. Cette capacité de dégradation permet à Laccaria de subsister temporairement à l'état libre avant l'installation de la symbiose et de jouer un rôle crucial dans le cycle de l'azote en forêt. Une large diversité de transporteurs de composés azotés permet à Laccaria d'utiliser ces sources variées d'azote.

Des protéines originales qui pourraient être liées à la symbiose


Le génome du champignon symbiotique code des centaines de protéines, jamais trouvées chez les autres champignons. Ces protéines pourraient jouer un rôle dans l'établissement de la symbiose. Certaines sont secrétées au niveau de l'interface symbiotique et semblent intervenir dans le dialogue complexe entretenu entre les deux partenaires.

La comparaison du génome de Laccaria avec le génome d'autres champignons symbiotiques, comme celui de la truffe noire du Périgord, dont le séquençage est actuellement en cours au Génoscope (Centre National de Séquençage), permettra, par recoupements, de confirmer ces premières observations et de préciser comment les symbioses entre plantes et champignons se sont mises en place au cours de l'évolution.

A terme, l'identification des facteurs clés de la symbiose aidera à comprendre la formation des fructifications des champignons comestibles et à optimiser la production forestière par une meilleure maîtrise de la mycorhization. Ces connaissances permettront également de mieux comprendre comment les arbres et leurs cortèges de micro-organismes bénéfiques s'adaptent au changement global et aux contraintes multiples qui l'accompagnent.

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