L'eau lunaire apportée par des astéroïdes, et non pas des comètes

Publié par Adrien le 08/06/2016 à 00:00
Source: CNRS-INSU
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La présence d'eau est vitale pour le développement de la vie telle que nous la connaissons et de nombreuses zones d'ombre subsistent quant à l'origine de l'eau sur Terre. Notre voisine la Lune constitue un témoin et une archive géante ayant préservé un enregistrement complet de l'histoire du bombardement du système Terre-Lune depuis sa formation. Cet enregistrement a été largement effacé sur Terre du fait de la tectonique des plaques notamment. En compilant et analysant les données existantes sur la nature de l'eau dans différents objets du Système Solaire, une équipe internationale comprenant des chercheurs de l'Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (CNRS, UPMC, IRD) et du Muséum National d'Histoire Naturel montre que la plupart de l'eau interne lunaire a probablement été apportée par des corps astéroïdaux riches en eau, plutôt que par des comètes, durant le bombardement qui a accompagné l'évolution géologique précoce de la Lune. Cette étude est publiée dans Nature Communications.


Cette image présente une impression d'artiste de ce à quoi l'océan de magma lunaire pouvait ressembler quelques temps après la formation de la Lune. La durée de vie de cet océan de magma correspond à la période pendant laquelle des astéroïdes riches en eau ont pu délivrer de l'eau à l'intérieur de la Lune.
Crédit: NASA/GSFC.

Pour arriver à cette conclusion, les auteurs ont dans un premier temps compilé les concentrations en hydrogène (H) et en azote (N), ainsi que leurs compositions isotopiques (rapports D/H et 15N/14N, respectivement), dans les roches lunaires et dans différents objets du Système Solaire, comme les comètes et les différentes familles d'astéroïdes riches en eau, représentées sur Terre par les météorites de type chondrites carbonées. En effet différents types d'objets sont caractérisés par des compositions isotopiques différentes: le rapport 15N/14N dans les comètes est bien plus élevé que dans la majorité des chondrites carbonées par exemple. La composition isotopique de l'hydrogène varie également en fonction du type d'objet considéré, le rapport D/H mesuré pour la majorité des comètes étant environ 2 à 3 fois plus élevé que celui de l'eau des océans sur Terre.

Ils ont ensuite calculé les proportions dans lesquelles ces différents ingrédients, avec leurs compositions chimiques caractéristiques, ont dû être mélangés pour retrouver les concentrations en eau et en azote, et leurs compositions isotopiques, estimées pour l'intérieur de la Lune. Ces calculs devaient aussi respecter le fait que ces objets ayant impacté la Lune juste après sa formation n'ont pas pu contribuer pour plus d'environ 0.02% de la masse de la Lune. Au-delà de cette contribution la chimie des roches de l'intérieur lunaire, et notamment les concentrations en éléments sidérophiles (ayant une afinité pour le fer), serait bien différente de ce que l'on observe.


Comme décrit dans le nouvel article de Barnes et al. (Nature Communications, 2016), de l'eau a pu être apportée à la Lune lorsqu'elle était encore partiellement fondue (régions rouge-orange) et que sa croûte primordiale se formait (régions grise-blanche à la surface). A cette époque, la Lune était constamment bombardée par des astéroïdes et des comètes qui pouvaient alors délivrer de l'eau à l'intérieur de la Lune. Les compositions isotopiques des éléments volatils, comme l'hydrogène ou l'azote, mesurées dans les échantillons lunaires suggèrent que des astéroïdes similaires aux météorites carbonées riches en eau de type CI, CM et CO ont pu être les principaux pourvoyeurs d'eau. Les météorites carbonées de type CI et CM contiennent 10-20% d'eau. D'autres types de météorites carbonées comme les CO contiennent 2 à 5% d'eau. Les astéroïdes dépourvus d'eau, qui bombardaient également la Lune, n'ont évidemment apporté que très peu d'eau. Bien que les comètes contiennent bien plus d'eau (peut-être jusqu'à 50% de leur masse) que les astéroïdes, leur composition isotopique de l'hydrogène très différente implique que les comètes ont contribué pour moins de 20% de l'eau lunaire.
Crédit: LPI/David A. Kring

Les résultats de ces calculs montrent donc que la contribution des comètes n'a pu vraisemblablement pas excéder 20% de la masse totale de l'eau interne lunaire. En ce qui concerne l'azote, la contribution diminue même autour de 10% maximum.

La dernière étape de cette étude a consisté à essayer de déterminer la période de l'apport de l'eau à l'intérieur lunaire. Afin que l'eau ait pu être incorporée et homogénéisée à l'intérieur de la Lune, il fallait que la Lune soit encore au stade communément appelé l'océan de magma lunaire. Lors de sa formation, la Lune devait initialement être une énorme boule de magma (cf. illustrations), qui s'est ensuite refroidie et a cristallisé progressivement. Les modèles existants déterminent la durée de vie de cet océan de magma lunaire entre environ 10 et 200 millions d'années après la formation de la Lune. C'est donc durant cette période, pendant les premiers 200 millions d'années d'existence de la Lune, que l'eau a pu être apportée à l'intérieur lunaire.

La thématique de recherche sur l'eau lunaire a cru de façon exponentielle durant ces dernières années et il semble désormais que l'eau interne à la Terre et l'eau interne à la Lune partagent une origine commune. Il reste néanmoins de nombreuses questions à étudier, notamment car les teneurs en eau, et sa composition isotopique, n'ont été analysées que dans seulement environ 2% des échantillons ramenés sur Terre par les missions Apollo.

Ces travaux sont particulièrement importants dans le contexte actuel qui voit une recrudescence des projets visant à envoyer à court terme des robots, puis des hommes à moyen terme, dans des régions encore non-explorées de la Lune. En effet, les astronautes des missions Apollo ont exploré la surface lunaire sur une centaine de kilomètres environ, et de nouveaux échantillons lunaires provenant de régions non-explorées comme les pôles pourraient nous fournir des informations nouvelles sur l'origine de l'eau lunaire.
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