Grâce à un dispositif expérimental unique au monde, une équipe de chercheurs du Laboratoire de Chimie physique - matière et rayonnement (UPMC/CNRS), de l'université Libre de Berlin en Allemagne, de l'université d'Uppsala en Suède et du synchrotron SOLEIL, vient de mettre en évidence au niveau microscopique l'importance d'un phénomène plus connu à l'échelle macroscopique, l'effet Doppler. Dans leurs travaux publiés dans Nature Communications, ils se sont pour cela intéressés à l'émission d'électrons de haute énergie par des atomes isolés.
Chacun d'entre nous l'a déjà remarqué: une ambulance qui s'approche, sirène hurlante, émet alors un son plus aigu que lorsqu'elle s'éloigne ; il s'agit du célèbre effet Doppler. Prenez n'importe quel objet en mouvement émettant une onde, ça fonctionne également ! Avec les ondes sonores mais aussi les ondes électromagnétiques, ce qui permet notamment de mesurer la vitesse d'une voiture avec un radar ou de calculer la distance à une étoile grâce à la couleur de la lumière qu'elle émet.
Un tel phénomène est-il limité au monde macroscopique ?
Pour le savoir, encore faut-il avoir des outils permettant de le mesurer. C'est désormais chose faite grâce aux travaux de chercheurs du Laboratoire de Chimie physique - matière et rayonnement (UPMC/CNRS), de l'université Libre de Berlin en Allemagne, de l'université d'Uppsala en Suède et du synchrotron SOLEIL (ligne GALAXIES), sur le Plateau de Saclay.
En pratique, l'objet étudié est un atome. Les chercheurs ont choisi les atomes d'un gaz rare, le néon. Le "jeu" consiste à envoyer sur l'atome un grain de lumière, ou photon, ayant une énergie bien précise, de façon à ce que l'atome absorbe le photon. C'est l'effet photoélectrique découvert par Einstein en 1905, qui a pour conséquence l'éjection d'un des électrons de l'atome. Cela provoque un mouvement de recul de l'atome, dans le sens opposé à celui de l'électron, comme un pistolet tirant une balle. Puis, suite à des réactions en cascade se produisant dans l'atome, un autre électron va à son tour être expulsé: on appelle "électrons Auger" ces électrons émis dans un second temps. Les électrons Auger sont donc émis par les atomes en mouvement. Or, à l'échelle atomique, les électrons se comportent comme une onde, c'est le principe bien connu de dualité onde-corpuscule, et ce sont eux qui sont à l'origine de l'effet Doppler microscopique mis en évidence dans cette étude.
Les scientifiques ont utilisé au synchrotron SOLEIL un nouvel analyseur qui mesure très finement l'énergie des électrons Auger émis dans une direction donnée. Mais ces électrons peuvent provenir d'atomes qui se déplacent soit vers le détecteur, soit dans la direction opposée. À cause de l'effet Doppler, les électrons vus par l'analyseur auront une énergie différente en fonction du mouvement des atomes. Avec un dispositif expérimental moins puissant, ces électrons ne pourraient pas être distingués. Les chercheurs ont ici pu observer l'effet Doppler sous la forme d'un élargissement graduel, puis d'un dédoublement du signal enregistré, au fur et à mesure que l'énergie des photons absorbés (des rayons X de haute énergie) et des électrons émis par les atomes de néon augmentait. La figure ci-dessous représente l'effet observé.
Représentation de l'effet Doppler. Illustration: LCPMR (CNRS/UPMC)
Cet effet Doppler Auger est un phénomène général qu'il faudra à présent prendre en compte dans les expériences dites de photoémission à haute énergie, telle que celle décrite ici pour des atomes ou des molécules isolés, mais aussi dans les mesures sur les solides, comme les semi-conducteurs, et la caractérisation de nouveaux matériaux à l'échelle microscopique.