La fréquence de précession de l'axe de la Terre (Fig. 1) est un paramètre fondamental qui contrôle la quantité de rayonnement solaire incident à la surface de la Terre (insolation) et influence ainsi le climat terrestre sur des temps très longs. Cependant, ce paramètre est méconnu dans le passé géologique, au delà de 10 millions d'années (Ma). Ceci à cause de notre manque de connaissance de l'effet de marées, dépendant de la distance Terre-Lune, et des facteurs influençant l'ellipticité dynamique de la Terre. L'effet de marées et l'ellipticité dynamique perturbent la rotation de la Terre autour d'elle même et donc la précession de son axe.
A travers l'analyse des cyclicités orbitales dans les archives sédimentaires, avec contribution d'un scientifique de l'Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP / CNRS / Sorbonne Université), les scientifiques ont extrait la fréquence de précession axiale de la Terre pour deux âges de l'Eocène, 42.5 Ma et 54.95 Ma. Ils ont déduit que leurs estimations sont en accord avec la modélisation astronomique pour l'âge 42.5 Ma, mais très différentes de celle-ci pour l'âge 54.95 Ma. Avec pour conséquence une distance Terre-Lune plus grande et des jours plus longs que ceux déduits du modèle La2004 (Laskar et al., 2004). Or l'âge 54.95 Ma appartient à l'intervalle de l'EECO (Early Eocene Climatic Optimum, Zachos et al., 2001), qui correspond à une période pendant laquelle les températures sur terre étaient très élevées (SST ~18°C), accompagnées de changements géodynamiques et océanographiques majeurs (accélération du taux d'expansion océanique global, contact Inde-Asie, etc).
Les scientifiques proposent que les modifications géodynamiques et paléo-environnementales qu'a connues la Terre lors de l'EECO sont responsables de cet écart entre le modèle et l'observation. En particulier, des valeurs de la dissipation tidale (effets de marées) à l'Eocène inférieur beaucoup plus faibles que celles prédites par le modèle initial, ainsi le processus de la convection mantellique pourrait jouer un rôle important dans les variations de l'ellipticité dynamique. Ils suggèrent ainsi un effet conjugué de la dissipation tidale et de la convection mantellique sur la rotation de la Terre.
Les résultats révèlent, pour la première fois, que la rotation de la terre pourrait subir des extra-perturbations lors d'événements géodynamiques et paléo-environnementaux extrêmes, ouvrant ainsi des nouvelles perspectives de recherche des paramètres astro-dynamiques pendant des épisodes géologiques où un modèle théorique simple ne pourrait s'appliquer.
Laskar, J., Robutel, P., Joutel, F., Gastineau, M., Correia, A.C.M., Levrard, B., 2004. A long term numerical solution for the insolation quantities of the Earth. Astronomy and Astrophysics 428, 261-285.
Zachos, J.C., Pagani, M., Sloan, L., Thomas, E., Billups, K., 2001. Trends, rhythms, aberrations in global climate 65 Ma to present. Science 292, 686-693.