La lumière est une source d'énergie essentielle à la photosynthèse, sur terre comme dans la mer. Certaines cyanobactéries océaniques, les plus petits représentants du phytoplancton, sont même capables d'"adaptation chromatique": elles peuvent modifier leur pigmentation selon la couleur de la lumière ambiante. Des chercheurs viennent de découvrir l'enzyme qui leur confère cette remarquable plasticité.
L'océan est pour la flore qu'il abrite un milieu particulièrement variable du point de vue de ses propriétés optiques: les eaux côtières sont vertes, les eaux du large bleues... De plus, toutes les longueurs d'ondes du spectre solaire ne pénètrent pas également en profondeur: le rayonnementultraviolet et la lumière rouge sont absorbés dès les premiers mètres, puis le jaune et le vert plus bas dans la colonne d'eau, et c'est la lumière bleue qui pénètre le plus profondément. Dans cet environnement changeant, certaines cyanobactéries, les représentants les plus petits et les plus abondants du phytoplancton, sont capables "d'adaptation chromatique". Exposées à la lumière verte, des cellules du genre Synechococcus vont synthétiser des pigments qui capturent spécifiquement cette couleur, mais si on les passe en lumière bleue, elles peuvent, en moins d'une semaine, changer leur pigmentation pour absorber cette nouvelle longueur d'onde. Des chercheurs de la station biologique de Roscoff, associés à deux équipes américaines, viennent de décrire le mécanisme moléculaire à la base de ce phénomène.
"Pour absorber la lumière, ces cyanobactéries "caméléons" utilisent des antennes sophistiquées formées d'un ensemble complexe de protéines et de pigments bleu, orange et rose. C'est une variation dans la composition pigmentaire qui leur permet de capturer de préférence le bleu ou le vert" expliquent Frédéric Partensky et Laurence Garczarek, coauteurs de l'étude publiée dans PNAS. Le responsable est une enzyme spécifique, baptisée MpeZ, qui change la proportion entre pigments rose et orange de l'antenne. "Si le rose est dominant, la lumière verte sera absorbée plus facilement ; si c'est l'orange qui l'emporte, c'est la lumière bleue qui sera capturée" expliquent les chercheurs. Une capacité d'adaptation qui permettrait à ces cyanobactéries d'être compétitives dans les zones d'interface entre les eaux côtières et celles du large ou entre les eaux de surface et profondes.
Référence:
"A phycoerythrin-specific bilin lyase-isomerase controls blue-green chromatic acclimation in marine Synechococcus", article publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA du 16 novembre 2012 par Animesh Shukla, Avijit Biswas, Nicolas Blot, Frédéric Partensky, Jonathan A. Karty, Loubna A. Hammad, Laurence Garczarek, Andrian Gutu, Wendy M. Schluchter et David M. Kehoe.