De nombreux gènes et processus biologiques jouant un rôle dans le vieillissement ont été identifiés, principalement chez des organismes modèles tels que le nématode ou la drosophile. En dépit de ces avancées, les mécanismes moteurs du vieillissement restent à élucider. Michael Rera et ses collaborateurs de l'unité de Biologiefonctionnelle et adaptative, démontrent qu'un marqueur physiologique du vieillissement, caractérisé initialement chez la drosophile, est conservé chez des organismes évolutivement distants. Ces résultats publiés dans la revue Scientific Reports, suggèrent une forte conservation évolutive des mécanismes sous-jacents au vieillissement et permettent de renouveler les approches employées pour étudier ce processus biologique complexe.
Le vieillissement peut être défini comme l'ensemble des modifications moléculaires subies par un organisme au cours de sa vie et qui conduisent à des changements physiologiques se manifestant par des modifications de la fonction des organes. Ces altérations provoquent une diminution d'aptitude, ou "fitness", des individus et finalement leur mort. Le vieillissement est classiquement décrit et étudié comme un phénomène continu affectant progressivement les organismes qui y sont soumis.
Au contraire de cette vision continue du vieillissement, Michael Rera avait identifié, au cours d'une première étude chez la drosophile, un phénotype (smurf) lié à l'âge et annonçant la mort prochaine de l'individu. L'existence de ce phénotype - une augmentation gravissime de la perméabilité intestinale - suggérait un phénomène divisé en deux phases successives distinctes. Une première se caractérisant par l'augmentation du risque de perméabilisation intestinale et une seconde au cours de laquelle apparaissent de nombreuses altérations considérées comme liées au vieillissement (perte de masse grasse, inflammation systémique, etc.). La caractérisation moléculaire des individus dans ces deux phases du vieillissement a permis de confirmer leur réalité au plan moléculaire. Elles peuvent de plus être décrites par des équations mathématiques différentes, suggérant l'existence d'une première phase de vieillissement quasi-linéaire suivie d'une seconde phase précédant la mort, au cours de laquelle la probabilité de survie d'un individu décroît exponentiellement en fonction du temps.
Ce travail permet aux chercheurs de proposer un nouveau modèle de vieillissement rompant avec la perception linéaire habituelle que l'on a de ce phénomène et ouvrant ainsi la voie à de nouvelles approches de son étude. Des interventions génétiques ou pharmacologiques modifiant la longévité des individus peuvent maintenant être appliquées spécifiquement à chacune de ces phases avec la perspective d'obtenir des réponses aux questions fondamentales qui se posent au sujet du vieillissement. De même, alors que le débat est toujours vif concernant la nature programmée ou non du vieillissement et l'intérêt évolutif d'un tel phénomène, l'apport d'un outil théorique original de description du vieillissement permet d'appliquer de nouvelles approches pour comprendre l'apparition d'un tel phénomène au cours de l'évolution. Enfin, comme le montre cette étude, ce modèle n'est pas restreint à un seul organisme mais s'applique à de nombreuses branches du vivant.