Un Européen aux yeux bleus et à la peau sombre

Une collaboration entre des scientifiques espagnols et danois a récemment abouti au séquencement du génome complet d'un hominidé européen retrouvé sur le site de la Brana-Arintero de Leon, ainsi qu'à une découverte surprenante: les chasseurs cueilleurs qui vivaient en Europe il y a 7000 ans avaient la peau sombre et les yeux bleus. Les résultats de cette étude ont donné lieu à un article, publié le 26 janvier dernier dans la revue Nature.

Le portrait type du chasseur-cueilleur européen d'il y a 7000 ans, dressé par les équipes espagnole et danoise, permet d'en savoir un peu plus sur les européens du Mésolithique, (période comprise entre -10.000 et -5.000 ans entre le Paléolithique et le Néolithique; avant l'apparition de l'agriculture et de l'élevage). "C'est la première fois que l'on réussit à reconstituer le génome complet d'un individu européen datant d'avant le néolithique" explique Calres Lalueza-Fox, un des auteurs de l'étude, et chercheur à l'Institut de Biologie Evolutive du CSIC et de l'Université Pompeu Fabra. De nombreuses caractéristiques de l'individu ont pu être déduites de l'étude de son génome, dont, entre autres, la couleur sombre de sa peau et ses yeux bleus.

Les scientifiques indiquent qu'avant la réalisation de cette étude, il était considéré que la peau claire des européens actuels leur venait du Paléolithique Supérieur et qu'elle s'était développée pendant 45.000 ans. Pourtant, l'individu étudié, connu sous le nom de La Brana-1, possède encore dans son génome les gènes propres aux chasseurs-cueilleurs Africains qui obscurcissent la peau. Le plus surprenant reste toutefois que La Brana-1 possède également la mutation responsable des yeux bleus de nos jours, et qui selon les chercheurs est restée identique depuis le Mésolithique. "C'est surprenant et choquant, car, même si l'on sait que la mutation génétique à l'origine de la peau claire et celle à l'origine des yeux bleus sont portées par deux gènes différents, on part normalement du principe qu'elles se présentent conjointement. Et la combinaison des yeux bleus et de la peau claire n'existe pas couramment dans l'Europe actuelle" Indique Calres Lalueza-Fox.

Les scientifiques signalent que l'objectif de cette étude était d'observer comment l'arrivée de l'agriculture, qui coïncide avec une forme de vie beaucoup plus sédentaire, ainsi qu'avec des changements du régime alimentaire, et avec l'arrivée de pathogènes associés aux animaux domestiques, a pu modeler le génome des populations européennes. Cette étude a été rendue possible grâce à l'excellent état de conservation des restes de La Brana-1, qui étaient localisés sur le site de La Brana-Arintero, découvert en 2006. Ces fossiles se situaient dans une grotte à 1500 mètres d'altitude, dans une zone plutôt froide des monts Cantabriques.

Au cours de l'année 2014, les scientifiques espagnols poursuivront leur investigation et continueront de travailler sur les individus localisés sur le site de La Brana-Arintero. "L'intention de notre équipe de recherche est de tenter de récupérer le génome d'un autre individu (La Brana-2) dont les restes ont été retrouvés sur le site mais en bien plus mauvais état." Affirme Inigo Olalde, un autre des auteurs de l'étude publiée.