A, C, G, ? - Évolution chimique d'un génome bactérien

Publié par Michel,
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© IG/CEA
Une équipe internationale composée de chercheurs de l'Institut für Biologie (Freie Universität, Berlin), du CEA (IG/Genoscope - Évry), du CNRS, de l'Université d'Evry, de la Katholieke Universiteit (Leuven) et de la société Heurisko (États-Unis) a, pour la première fois, réussi à concevoir une bactérie viable dans laquelle une des quatre bases de l'ADN a été remplacée par un composé analogue synthétique.

A terme, la bactérie ainsi obtenue présenterait l'avantage de dépendre de ce composé, absent dans la nature, et ne pourrait ni entrer en compétition, ni échanger de matériel génétique avec les organismes sauvages.

Ce résultat fait l'objet d'une publication intitulée Chemical evolution of a bacterium's genome dans la revue Angewandte Chemie International Edition du 25 juillet 2011.

L'information génétique de tous les êtres vivants est stockée dans leur ADN qui est composé d'un enchaînement de bases constituant une sorte "d'alphabet du vivant". Ces bases, au nombre de quatre, sont plus connues sous les lettres A (adénine), T (thymine), G (guanine) et C (cytosine). Le projet, coordonné par Rupert Mutzel (Institut für Biologie, Berlin) et Philippe Marlière (Heurisko USA Inc.) et mené expérimentalement par des chercheurs du CEA et de l'Université de Louvain, visait à totalement remplacer, au sein du génome de bactéries appartenant à l'espèce Escherichia coli K12, la thymine par le composé 5-chloro-uracile, toxique à forte dose pour les êtres vivants.

Les chercheurs ont mis en oeuvre une technologie originale, développée par Ph. Marlière et R. Mutzel, qui permet l'évolution dirigée d'organismes dans des conditions strictement contrôlées. Il s'agit d'un dispositif de culture automatisée de cellules (cf. photo) dans lequel de larges populations de bactéries sont cultivées, de façon prolongée, en présence d'un composé chimique toxique à des concentrations sub-létales. Ces conditions de cultures entraînent alors la sélection de variants génétiques tolérant des concentrations plus élevées de ce composé toxique. En réponse à l'apparition de ces variants dans la population cellulaire, le dispositif automatisé adapte la composition du milieu de culture pour imposer une pression de sélection constante.


Dispositif de culture automatisée de cellules, Genoscope. ©C.Dupont/CEA

Ce protocole d'évolution en culture continue, réalisé au Genoscope, a été appliqué à des bactéries appartenant à l'espèce Escherichia coli K12 incapables de synthétiser la base naturelle thymine et donc dépendantes de son apport par le milieu de culture. Après environ 1000 générations cellulaires sous ce régime de culture, en présence de 5-chloro-uracile et de thymine en quantité toujours minimale, des descendants de la souche originelle ont été obtenus, capables de croître en la seule présence du composé 5-chloro-uracile. L'analyse de l'ADN de ces bactéries démontre le remplacement quasi-total de la base T par le 5-chloro-uracile, ainsi que la présence de nombreuses mutations. Les chercheurs vont maintenant s'intéresser à la contribution respective de ces mutations pour l'adaptation des bactéries à l'utilisation d'une base halogénée.

Ce changement radical dans la composition chimique d'un organisme vivant présente un grand intérêt pour la recherche fondamentale. De plus, comme l'explique Ph. Marlière, "ces travaux constituent une avancée importante de la xénobiologie, une branche émergente de la biologie synthétique". Cette discipline récente des sciences de la vie a pour objectif la conception d'organismes non naturels dotés de capacités métaboliques optimisées pour l'élaboration de modes alternatifs de synthèse. Ces derniers devraient permettre la production de composés chimiques d'intérêt, notamment dans le domaine de l'énergie. Dans cette perspective, les organismes synthétiques, comme ceux sélectionnés ici, présenteraient l'avantage de dépendre, pour la constitution de leur matériel génétique et leur prolifération, uniquement de composés absents dans les milieux naturels. A terme, ils ne pourront ainsi ni entrer en compétition, ni échanger de matériel génétique avec les organismes sauvages et sont voués à disparaître en absence du xénobiotique dont ils dépendent.


Photo gauche: cellules bactériennes d'E. Coli dépendante d'un apport en un des 4 composants universel de l'ADN, la thymine - ©IG/CEA. Photo droite: les cellules après adaptation à un dérivé non naturel de la thymine (Chloro-uracile) - ©IG/CEA.
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