Des chercheurs de quatre laboratoires d'Orsay, Paris et Nantes (1) ont étudié la géochimie de l'hélium de verres basaltiques, dragués le long de la dorsale Sud-Ouest Indienne (SWIFT), sur plus ~4000km de long. Ils évaluent, pour la première fois, la taille des morceaux arrachés à la croûte continentale inférieure (délamination) lors du morcellement du Gondawana, il y a environ 180 millions d'années.
Les basaltes océaniques des rides (dorsales) médio-océaniques (MORB) proviennent de la fusion des roches du manteau terrestre. Leur composition garde la marque de divers phénomènes survenus dans le manteau depuis sa formation, comme notamment le mélange avec des fragments de croûte océanique incorporés par le phénomène de subduction.
Les auteurs ont analysé la concentration et les rapports isotopiques de l'hélium de 53 échantillons de verres basaltiques, rapportés de la dorsale Sud-Ouest Indienne lors des campagnes EDUL et SWIFT. Cette dorsale est l'une des plus lentes avec un taux d'expansion de l'ordre de 1cm par an. Les rapports isotopiques de l'hélium, comparés à ceux d'autres éléments, principalement le plomb et l'hafnium, révèlent une nouvelle source de contamination de ces basaltes. En effet, certains échantillons présentent, pour le plomb et l'hafnium, des caractéristiques de croûte continentale inférieure et de lithosphère continentale.
Plus précisément, il y aurait sous tout le Sud de la dorsale Indienne, dans le manteau asthénosphérique (le manteau sur lequel les plaques lithosphériques glissent), des fragments de croûte continentale inférieure. La similitude géochimique de ces basaltes avec des roches du même âge, connues dans le Sud de l'Afrique, donne à penser que ces fragments ont été incorporés au manteau asthénosphérique lors de l'ouverture du Gondwana, il y a environ 180 millions d'années.
A l'aide d'un code de simulation développé dans le cadre de l'ANR HeDiff, basé sur la production et la diffusion de l'He (2), les auteurs ont évalué pour la première fois la taille des fragments de croûte continentale présents dans le manteau, à environ 5 à 10km au maximum.
Notes: (1) Géosciences Paris Sud (CNRS, Université Paris Sud) ; Institut de Physique du Globe de Paris (CNRS, Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité) ; Laboratoire de Planétologie et Géodynamique Nantes (Université de Nantes, CNRS, Université d'Angers) ; Institut de Physique Nucléaire d'Orsay (CNRS, Université Paris Sud).
(2) 3He est un élément primitif initial tandis que 4He est produit dans la croûte et le manteau lors de la désintégration de l'U et Th. Ces deux éléments ont des concentrations différentes dans les morceaux de croûte et de manteau, par contre ils diffusent à la même vitesse. Le code utilisé ici, permet de calculer l'évolution de la concentration d'He et du rapport isotopique 4He/3He pour la production de 4He radiogénique et la diffusion du 3He et 4He au cours du temps, pour des sphères de croûte continentale de taille différentes.
Pour plus d'information voir:
Gautheron C., Moreira M., Gerin C., Tassan-Got L., Bézos A., Humler E. (2015) Constraints on the DUPAL anomaly from helium isotope systematics in the Southwest Indian mid-ocean ridge basalts. Chemical Geology, 417: 163-172. http://dx.doi.org/10.1016/j.chemgeo.2015.10.005