Il s'agit de la première étude réalisée sur des données scientifiques collectées par le tout nouveau Atacama Large Millimeter Array (ALMA). En le couplant au Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire Européen Austral, des équipes françaises de l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS-CNRS/Université Paris-Sud) et du Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (LERMA- Observatoire de Paris/CNRS/Ecole normale supérieure/Université Pierre et Marie Curie/Université Cergy-Pontoise) ont pu pour la première fois retracer les prémices de la formation d'étoiles dans les galaxies des Antennes (1). Parue le 9 février dans la revue européenne Astronomy and Astrophysics Letters, cette approche novatrice révèle l'origine des super-amas d'étoiles dans les galaxies en fusion.
La fusion de deux galaxies provoque de spectaculaires flambées de formation d'étoiles si lumineuses que les astronomes les voient loin dans le passé jusqu'au tout début de l'Univers. Ces feux d'artifice astronomiques associés à la naissance de gigantesques amas stellaires réunissent plusieurs millions d'étoiles dans un espace réduit à quelques dizaines d'années-lumière. Sur ce même volume, on ne trouve autour du Soleil que quelques étoiles.
Les astronomes ont découvert ces super-amas dans les galaxies des Antennes, il y a une vingtaine d'années avec le télescope spatial Hubble, mais les processus physiques qui conduisent à leur formation sont encore méconnus. Aujourd'hui, en combinant les premières données fournies par ALMA avec celles obtenues au préalable avec le VLT, les scientifiques mettent en évidence pour la première fois comment la fusion des galaxies déclenche la formation de super-amas stellaires. L'observation d'un tel phénomène s'intègre parfaitement aux objectifs de recherche d'ALMA.
Ce travail est au cœur de la thèse préparée par Cinthya Herrera, doctorante à l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS) et titulaire d'une bourse de recherche dans le cadre de l'accord entre le CNRS et la CONICYT (Chili). Elle a suivi une nouvelle idée qui consiste non pas à observer des amas stellaires déjà formés, mais plutôt à observer l'énergie perdue par le gaz dans lequel seront formés les amas. En effet, les étoiles se forment dans des régions où le gaz est très dense et très froid. Or, la fusion de deux galaxies rend le gaz très turbulent. Celui-ci doit donc perdre cette énergie pour pouvoir se condenser, se refroidir, s'effondrer et ainsi former les amas de nouvelles étoiles.
Cette perte d'énergie considérable, prédite par la théorie, est aujourd'hui visible grâce aux observations conjointes des deux télescopes. Quand le gaz se calme et perd son énergie turbulente par radiation, la luminosité qu'il émet est observable dans l'infrarouge proche: elle est donc captée par le VLT. Quant aux observations d'ALMA, elles ont mis en évidence l'extrême agitation turbulente du gaz dans ces immenses nuages où les amas d'étoiles se forment. Cette turbulence est causée par l'énergie gravitationnelle libérée lors de l'interaction des deux galaxies.
Dans un seul de ces nuages, les observations ont révélé une concentration de gaz rayonnant une quantité considérable de son énergie turbulente. Cette région contient assez de gaz pour former son propre super-amas. Et là où ALMA ne voit qu'un nuage parmi d'autres, le VLT y voit l'objet le plus brillant de toute la région d'interaction des Antennes. Les calculs indiquent que dans quelques millions d'années – le temps d'un clin d'œil à l'échelle de l'univers – ce gaz aura perdu toute sa turbulence et un nouvel amas sera né. Ce premier résultat annonce de futures découvertes que les astronomes comme Cinthya Herrera se préparent à faire avec ALMA qui atteindra bientôt toute sa puissance.
ALMA CO and VLT/SINFONI H2 observations of the Antennae overlap region: mass and energy dissipation. Herrera, C. N., Boulanger F., Nesvadba, N. P. H., Falgarone, E. 2012, A&A, volume 538, L9