Des scientifiques ont découvert que l'éponge marine possède des propriétés structurales uniques en terme de rigidité mécanique et de stabilité en dépit de sa composition intrinsèquement fragile. Dans un article du 8 juillet paru dans Science, un chercheur de Lucent Technologies Bell Labs indique qu'une éponge tropicale des profondeurs océaniques pourrait en apprendre beaucoup aux ingénieurs et aux architectes quant à la construction de structures remarquablement solides à partir de matériaux extrêmement fragiles.
Les détails structuraux de l'éponge de mer Euplectella correspondent aux principes fondamentaux de construction mécanique utilisés dans des bâtiments tels que la Swiss Re Tower à Londres, l'hôtel Las Artes à Barcelone, ou la Tour Eiffel
"La nature a trouvé une manière de perfectionner des matériaux fragiles en utilisant des principes standards d'ingénierie à des échelles nano, micro ou macrométiques", explique Joanna Aizenberg, chercheur en matériaux des laboratoires Bell. "Le squelette de cette créature est un véritable manuel scolaire en construction mécanique, proposant une connaissance qui pourrait mener à de nouveaux concepts en science des matériaux et en ingénierie".
L'équipe d'Aizenberg a étudié Euplectella , communément appelée Fleur de Vénus, une éponge cylindrique constituée d'un verre naturel appelé biosilice et qui peut atteindre 15 cm de hauteur. Elle vit dans les profondeurs de l'océan pacifique et sert habituellement d'abri à des couples de crevettes, alors protégés des prédateurs par le solide squelette de l'éponge.
Des touffes de fibres de verre de l'épaisseur d'un cheveu humain se développent à la base de l'éponge. En août 2003 Aizenberg avait déjà mené des recherches pour étudier les propriétés optiques de ces fibres, et avait découvert que l'éponge utilise de multiples couches de verre liées par une colle organique qui recouvre cette "fibre optique naturelle", la rendant extrêmement résistante à se fendre ou à se casser.
Dans leurs dernières études d'Euplectella, Aizenberg et son équipe ont identifié sept niveaux différents de hiérarchie structurale dans l'éponge. Chacun d'entre eux correspond à un principe fondamental de construction généralement utilisé dans le génie civil mais à une échelle 1.000 fois plus petite qu'un bâtiment.
Par exemple, les fibres qui composent le squelette de l'éponge sont arrangées en treillis, renforcé par d'autres fibres qui partent diagonalement dans deux directions à l'intérieur de chaque carré. Cette technique de construction se retrouve souvent dans les gratte-ciel pour contrecarrer les forces de cisaillement, qui pourraient facilement faire s'effondrer une structure en carrés non renforcée.
L'équipe a également découvert que lorsque le diamètre du squelette de l'éponge s'accroît au delà d'un certain point, la structure externe est renforcée par des arêtes en spirale. Les arêtes contrecarrent un effet connu sous le nom "d'ovalisation", qui rend les structures cylindriques sujettes à s'effondrer. Ceci est démontré par le fait qu'il est assez facile de tordre ou d'aplatir une canette en aluminium. En stabilisant son squelette avec les arêtes externes, l'éponge rend plus difficile son écrasement éventuel. D'autres niveaux hiérarchiques de renfort dans l'éponge sont constitués par des faisceaux de verre stratifiés extrêmement stables, des tissus renforcés en guise de ciment et des éléments structuraux agglomérés, pour n'en citer que quelques uns.
"Ces découvertes illustrent comment la nature nous montre souvent des solutions simples à des problèmes scientifiques complexes", indique Elsa Reichmanis, directrice de recherche des Laboratoires. "Ces éponges sont parfaitement constituées, avec exactement la quantité de matière requise pour optimaliser leur conception. La compréhension de l'évolution de ces structures pourrait aider à améliorer l'élaboration de matériaux synthétiques et à concevoir des processus que nous utiliserons dans le futur".