L'évolution des matériaux cristallins, que l'on retrouve dans les semi-conducteurs, des produits pharmaceutiques, le photovoltaïque et les catalyseurs, continue de surprendre la communauté scientifique. Ces matériaux, composés d'atomes, d'ions ou de molécules organisés en une structure ordonnée tridimensionnelle, sont au cœur de nombreuses innovations. Leur développement nécessite des méthodes précises pour les identifier, surtout lorsqu'ils sont présents en multiphases, c'est-à-dire contenant différents types de cristaux.
Actuellement, la diffraction des rayons X sur des échantillons en poudre est la technique dominante pour cette identification. Cependant, la complexité augmente avec les échantillons multiphases. Là, l'identification précise des différentes phases dépend largement de l'expertise des scientifiques, ce qui rend le processus long et fastidieux. Pour remédier à cela, des méthodes innovantes basées sur les données, telles que l'apprentissage automatique, sont de plus en plus utilisées.
Dans une avancée majeure, une équipe de recherche dirigée par le professeur associé Tsunetomo Yamada de l'Université des Sciences de Tokyo, en collaboration avec l'Académie de la Défense Nationale, l'Institut National des Sciences des Matériaux, l'Université de Tohoku et l'Institut de MathématiquesStatistiques, a proposé un nouveau modèle de "classificateur binaire" d'apprentissageautomatique. Publié dans la revue Advanced Science le 14 novembre 2023, ce modèle est capable d'identifier les phases de quasicristaux icosaédriques (i-QC) à partir de motifs de diffraction des rayons X en poudre multiphasés.
Pour développer ce modèle, les chercheurs ont créé un "classificateur binaire" utilisant 80 types de réseaux de neurones convolutionnels. Après l'entraînement du modèle avec des motifs de diffraction synthétiques représentant les phases i-QC, sa performance a été évaluée à l'aide de motifs synthétiques et d'une base de données de motifs réels.
Des chercheurs proposent un modèle d'apprentissage automatique pour identifier une nouvelle phase Al-Si-Ru i-QC. Ce modèle montre un potentiel considérable pour accélérer le processus d'identification des échantillons multiphases. Crédit: Tsunetomo Yamada / TUS
Le modèle a atteint une précision de prédiction de plus de 92% et a identifié avec succès une phase i-QC inconnue dans des alliages Al-Si-Ru, lors du criblage de 440 motifs de diffraction mesurés de matériaux inconnus dans six systèmes d'alliages différents. La présence de la phase i-QC inconnue a été confirmée par l'analyse de la microstructure et de la composition du matériau à l'aide de la microscopie électronique à transmission.
Ce modèle d'apprentissage profond peut identifier la phase i-QC même lorsqu'elle n'est pas le composant le plus dominant dans le mélange. De plus, il peut être utilisé pour l'identification de nouveaux quasicristaux décagonaux et dodécagonaux, et peut être étendu à divers types d'autres matériaux cristallins.
Dr. Yamada conclut: "Avec le modèle proposé, nous avons pu détecter avec précision des phases quasicristallines inconnues présentes dans des échantillons multiphases. L'exactitude de ce modèle d'apprentissage profond ouvre la possibilité d'accélérer le processus d'identification de phases de ces échantillons."