Le mystère de la préférence de la vie pour une forme spécifique de molécules, telle que les acides aminés et les sucres, qui existent sous deux formes miroirs mais dont seulement une est utilisée dans les organismes vivants, pourrait enfin être éclairci. Des chercheurs de l'Empa et du Forschungszentrum Jülich en Allemagne ont récemment mis en lumière un phénomène inattendu: l'interaction entre les champs électriques et magnétiques pourrait jouer un rôle crucial dans ce choix.
Depuis Louis Pasteur jusqu'à des lauréats du prix Nobel comme Pierre Curie, la question de la "homochiralité" des molécules biologiques intrigue. Ces molécules, bien que chimiquement identiques, adoptent des formes qui sont l'image miroir l'une de l'autre, appelées énantiomères. Pourquoi la vie privilégie-t-elle une forme sur l'autre ? Les réponses potentielles restent spéculatives, malgré la similitude de leurs propriétés physico-chimiques.
L'explication pourrait résider dans l'interaction unique entre les champs magnétiques et électriques. Des expériences récentes ont montré que ces champs pourraient "discriminer" entre les deux formes d'une molécule lorsqu'ils interagissent avec des surfaces métalliques spécifiques. En déposant des molécules chirales sur des "îles" de cobalt magnétique disposées sur une surface de cuivre, les chercheurs ont observé une préférence marquée pour l'une des formes énantiomères, selon l'orientation du champ magnétique appliqué.
De plus, le transport d'électrons à travers les molécules dépend de leur chiralité en présence de surfaces magnétisées, filtrant les électrons selon leur spin, une propriété quantique. Ce phénomène, appelé sélectivité de spin induite par la chiralité (CISS), montre que même des molécules individuelles peuvent présenter cet effet, bien que les mécanismes sous-jacents restent un mystère.
Ces découvertes ne répondent pas entièrement à la question de la chiralité de la vie posée par Vladimir Prelog, mais elles ouvrent une voie vers la compréhension de comment des réactions chimiques catalysées par des surfaces, dans le "bouillon primordial" de la Terre primitive, auraient pu favoriser l'accumulation d'une forme spécifique de biomolécules. Ainsi, les champs électriques et magnétiques pourraient avoir joué un rôle déterminant dans l'émergence de la vie telle que nous la connaissons.