Les marais sont des usines

Publié par Isabelle,
Source: Université de Montréal - Mathieu-Robert SauvéAutres langues:
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Gilles Vincent
En plus d'être un emblème de l'Expo 67, la Biosphère de l'ile Sainte-Hélène est la grande vedette canadienne de la phytotechnologie. Depuis 20 ans, l'immeuble sphérique d'Environnement Canada, oeuvre de l'architecte futuriste Richard Buckminster Fuller, doit le traitement de ses eaux usées à l'action des végétaux et microorganismes présents dans les bassins extérieurs où elles s'écoulent.

"Ça fonctionne aussi l'hiver, car l'écosystème microbien demeure actif même sous la glace", explique le concepteur de ces bassins d'épuration, Gilles Vincent. Le directeur du Jardin botanique de Montréal a été nommé récemment conseiller au Jardin botanique de Chenshan, à Shanghai, en Chine, après 30 ans de service à la Ville de Montréal. Formé à l'Université de Montréal (baccalauréat en sciences biologiques en 1978 puis maitrise en 1983), il a conçu le design de ces bassins alors qu'il relevait de la Division de la recherche et du développement scientifique de la Ville. En avril 1994 est inauguré son système comprenant trois bassins dans lesquels les eaux usées se déversent au milieu des racines de plantes semi-aquatiques dans un substrat sablonneux.

Chaque bassin contient des espèces différentes, capables de puiser les éléments organiques de l'eau polluée. Au bout de son parcours de deux semaines, l'eau présente un niveau d'épuration de très loin supérieur à c elui conféré par le système traditionnel de traitement des eaux.

"Le système a été conçu pour traiter l'eau utilisée par 300000 usagers par an, mais la Biosphère n'a jamais atteint plus de la moitié de cette affluence", fait remarquer M. Vincent, qui a toujours incité les visiteurs à recourir sans réserve aux salles d'eau, de façon à nourrir ses plantes...

Suivi systématique



Le roseau commun (Phragmites Australis) est une plante qu'on retrouve dans les marais filtrants artificiels.
Novateur, le système a fait l'objet d'un suivi systématique sur deux décennies, ce qui en fait l'un des premiers marais filtrants du monde à avoir été si bien documenté. Deux ministères (Environnement Canada au fédéral et Développement durable, Environnement, Faune et Parcs au provincial) ont suivi avec intérêt l'évolution des travaux. Aujourd'hui, cette technologie est appliquée à une centaine d'endroits au Québec, "de la petite unité traitant l'eau d'un domicile jusqu'au marais de grande taille traitant l'eau de toute une municipalité", note la Société québécoise de phytotechnologie. Ces écosystèmes artificiels nécessitent peu d'énergie et offrent une solution durable à l'épuration des eaux. De plus, ils sont peu couteux et s'intègrent bien au paysage. L'auberge Le Baluchon, à Saint-Paulin, traite toutes ses eaux usées de cette manière depuis 2007. Ce sont 135 m3 d'eau par jour qui s'écoulent dans trois grands bassins couverts de roseaux. Le marais a une superficie de 4176 m2.

La vaste majorité des marais filtrants artificiels traitent des eaux usées domestiques, mais ils peuvent aussi s'attaquer aux effluents de pisciculture, de papeteries, de fermes laitières, de dépotoirs et de résidus miniers. L'action chimique est d'une redoutable efficacité: les racines aspirent l'azote et le phosphore pour l'accumuler dans les tissus de la plante.

La clé?: le temps de résidence


Il faut dire que le jeune botaniste ne partait pas de zéro lorsqu'il a dessiné les plans du système de la Biosphère. Dès 1990, après avoir vu des marais filtrants en Europe, il avait travaillé à un autre système de phytoremédiation, à deux kilomètres de là. La plage du parc Jean-Drapeau, sur l'ile Sainte-Hélène, que le maire Jean Doré voulait offrir aux Montréalais aux prises avec la canicule estivale, avait permis à Gilles Vincent, en collaboration avec la firme d'architecture de paysage WAA, d'imaginer un premier système végétalisé de traitement des eaux. Il a fait creuser quatre étangs où l'eau pompée séjourne avant de s'écouler de nouveau, par gravité, vers les baigneurs.

"La clé du succès, c'est le temps de résidence de l'eau dans les marais filtrants. Si ce temps est trop court, l'effet désiré ne sera pas obtenu ; s'il est trop long, tout le processus est ralenti. Au parc Jean-Drapeau, le processus dure environ deux jours."

Membre honoraire de la Société québécoise de phytotechnologie, Gilles Vincent est toujours actif dans le milieu de la recherche, puisqu'il siège à plusieurs conseils d'administration (dont celui de l'Institut de recherche en biologie végétale). Mais ses fonctions de directeur du deuxième jardin botanique en importance dans le monde - 300 employés, 27 M$ de chiffre d'affaires - le gardent à distance des microscopes. Il ne manque cependant pas d'idées pour maintenir le dynamisme du Jardin. C'est à lui qu'on doit par exemple l'activité annuelle Papillons en liberté, qui attire chaque année quelque 40000 visiteurs. Pour souligner cette initiative, une espèce de papillon originaire d'Asie du Sud-Est et découverte par l'entomologiste Stéphane LeTirant porte son patronyme latinisé: Theretra clotho vincentii. Une hémérocalle a aussi été baptisée "Gilles Vincent" par son créateur, l'hybrideur Richard Aubin.

Cet article est extrait de la revue "Les diplômés" (n°426)
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