La collaboration DarkSide-50 a mis en ligne cet été la meilleure limite dans la recherche de matière noire de basse masse. Ce résultat a été obtenu grâce à l'analyse finale des données du détecteur. Installé au LNGS (1) en Italie, ce dernier a pris des données de 2015 à 2018 en utilisant une cible d'argon très faiblement radioactif. Les contributions des équipes de recherche de trois laboratoires de l'IN2P3 ont été décisives pour parvenir à ce succès, notamment grâce à une analyse très fine de la calibration à basse énergie. Ces équipes travaillent maintenant à la réalisation du détecteur de deuxième génération DarkSide-20k, dont l'installation au LNGS va bientôt commencer.
Un des principaux défis de la physique des particules est de détecter des WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles), particules qui pourraient former la matière noire. Darkside-50 est un détecteur de première génération qui a pris des données entre 2015 et 2018 au LNGS en Italie, à une profondeur de 1400 mètres. C'est un détecteur de type chambre à projection temporelle (TPC), qui contient une masse active de 50 kg d'argon liquide dans lequel les particules incidentes laissent deux signaux caractéristiques, une très faible signature lumineuse (S1) et un sillage d'électrons converti en haut de la TPC en un signal lumineux (S2). L'argon est extrait d'un puits très profond au Colorado, caractérisé par sa teneur minimale en radioactivité. DarkSide-50 était également protégé par un double blindage composé de 30 tonnes de scintillateur liquide et de 1 000 tonnes d'eau ultra-pure, utilisé pour supprimer le rayonnement cosmique résiduel et la radioactivité des roches entourant le laboratoire.
Bruit de fond parfaitement reproduit
Les signaux lumineux S1 et S2 produits lors du passage d'un WIMP sont détectés par des photo-multiplicateurs placés en haut et en bas de la TPC. Pour explorer des basses masses de WIMPs (Grâce à une analyse fine des données issues de sources radioactives produisant des électrons et des neutrons de basse énergie (les neutrons et les WIMPs ont la même signature), la réponse de DarkSide-50 a pu être calibrée jusqu'au seuil le plus bas jamais atteint auparavant pour l'argon liquide. En s'appuyant sur ce travail, qui a donné lieu à une première publication en 2021, le modèle de bruit de fond reproduit parfaitement les données recueillies par DarkSide-50 entre 2015 et 2018.
La nouvelle analyse des données de l'expérience Darkside-50 repousse les limites d'existence de WIMPs de basse masse (lignes rouges pleines). Les autres lignes indiquent les limites précédentes.
Rôle moteur des physiciens de l'IN2P3
Les meilleures limites mondiales sur les sections efficaces d'interaction WIMP-nucléon indépendantes du spin en ont été extraites pour des masses de WIMPs entre 1.2 et 3.6 GeV/c2. Cela améliore ainsi d'un ordre de grandeur la meilleure limite précédente pour une masse de 3 GeV/c2.Les physiciens des laboratoires de l'IN2P3 ont joué un rôle moteur dans ce résultat de premier plan. La recherche a été étendue aux WIMPs de très basse masse en exploitant l'effet Migdal (meilleures limites mondiales pour des masse plus basses que 3.6 GeV et jusqu'à 40 MeV), aux axions galactiques, aux "dark photons" et aux neutrinos stériles, résultats qui ont aussi été soumis pour publication.
Les résultats finaux de DarkSide-50 sont très prometteurs pour la réalisation du détecteur de deuxième génération, DarkSide-20k, dont la construction va bientôt démarrer au LNGS. Il sera doté d'une cible près de 1000 fois plus grande que DarkSide-50, permettant de collecter l'équivalent de toutes les données de DarkSide-50 en une demi-journée. La collaboration unique qui développe ce projet, GADMC, regroupe aujourd'hui les instituts de recherche de 13 pays (Allemagne, Brésil, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Pologne et Royaume Uni, Roumanie, Russie, Suisse). Quinze physiciens, ingénieurs et étudiants de l'APC, du CPPM et du LPNHE contribuent à ce programme, notamment en construisant le système de calibration de la TPC et en participant au développement de la reconstruction du signal.
Ces recherches ont fait l'objet de financements complémentaires du Laboratoire d'Excellence UnivEarthS, de l'Institut de physique de l'Univers de l'Université Aix-Marseille et de la MITI (Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires) du CNRS.