Les scientifiques de la collaboration Xenon100 (1), dont ceux de l'IN2P3/CNRS (2), ont amélioré d'un facteur 3,5 par rapport à 2011 la précision de leurs mesures dédiées à l'observation directe de matière noire: un record mondial, basé sur l'analyse des données prises pendant 13 mois au Laboratoire national du Gran Sasso (Italie) avec le détecteur Xenon100. Réduisant grandement le périmètre d'investigation des Wimps, particules massives interagissant faiblement et pouvant expliquer en partie la nature de la matière noire de l'Univers, ces résultats permettront d'affiner les recherches futures. Ils ont fait l'objet d'un article en ligne sur ArXiv soumis à la revue Physical Review Letters.
Alors que la matière visible ne représente que 4% de la composition de notre Univers, les 96% restants seraient quant à eux composés d'énergie noire et de matière noire. En physique subatomique, la détection directe des particules Wimps, ces particules de matière noire prédites par les modèles, est aujourd'hui une étape cruciale pour expliquer les observations de notre Univers aux échelles les plus extrêmes.
Située en Italie au Laboratoire souterrain de Gran Sasso, l'expérience Xenon100 vise à observer de manière directe la matière noire en détectant les signaux associés au passage des Wimps.
En 2011, les résultats obtenus par Xenon100 après 100 jours de prise de données avaient permis de réduire considérablement la fenêtre de recherche de la matière noire. Les toutes dernières observations couvrent à elles seules un total de 225 jours sur 2011 et 2012: aucun signal n'a pour le moment été observé, cependant les nouvelles données réduisent significativement le périmètre d'investigation des Wimps en améliorant les limites de leur détection d'un facteur 3,5 par rapport aux résultats de 2011, soit un niveau de sensibilité atteignant 2.10^-45 cm-2 pour les Wimps de masse 50 GeV/c2 (figure 1).
LFigure 1: Nouvelles limites obtenues par la collaboration Xenon100 en 2012. La figure représente la section efficace maximum d'interaction d'une particule de type Wimp en fonction de sa masse (limite observée à 90% de niveau de confiance en trait plein). Crédit: collaboration Xenon100.
Les prochaines campagnes de mesures dans le cadre de Xenon100 mais aussi de la future expérience Xenon1T, actuellement en construction, pourront permettre de détecter la présence éventuelle des Wimps dans les années à venir, à moins que d'autres particules ne soient à l'origine de la matière noire.
Xenon100 est une expérience ultra-sensible utilisant 62 kg de xénon liquide ultra-pur comme "cible à Wimps" (figure 2): cela consiste à mesurer l'ionisation très faible et les petits signaux de lumière suite aux collisions rares entre les Wimps et les noyaux des atomes de xénon. Le détecteur est installé en profondeur à l'abri des rayons cosmiques qui bombardent constamment la Terre. Afin d'éliminer les signaux provenant des radiations résiduelles de l'environnement avec le détecteur, seuls les événements localisés à l'intérieur des 34 kg internes de xénon sont analysés. Le détecteur est en outre protégé par des couches de cuivre, de polyéthylène, de plomb et d'eau, afin de réduire au maximum le bruit de fond.
L'équipe française impliquée dans Xenon100 est localisée au laboratoire Subatech (2) à Nantes. Ses recherches portent sur les propriétés du xénon liquide aussi bien dans le champ du fondamental, telle la recherche de matière noire avec Xenon100 et Xenon1T, que dans celui de l'appliqué, notamment autour de l'imagerie médicale.
Figure 2: Photographie de la chambre comprenant les 62 kg actif de xénon liquide de l'expérience Xenon100. Crédit: collaboration Xenon100.
L'expérience Xenon100 est financée par les instituts de la collaboration et par la National Science Foundation et le Department of Energy aux USA, par le Swiss National Foundation en Suisse, par l'IN2P3/CNRS et la Région des Pays de la Loire en France, par le Max-Planck-Society et par le Deutsche Forschungsgemeinschaft en Allemagne, par le Weizmann Institute of Science, le German-Israeli Minerva Gesellschaft et le GIF en Israël, par FOM aux Pays-Bas, par le Fundação para a Ciência e Tecnologia au Portugal, par l'Instituto Nazionale Di Fisica Nucleare en Italie et par STCSM en Chine.
Notes:
(1) La collaboration Xenon associe 60 chercheurs de 14 institutions issues de neuf pays: États-Unis, France, Chine, Allemagne, Israël, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suisse.
(2) Laboratoire Subatech (CNRS/École des Mines de Nantes/Université de Nantes)