Une équipe du Laboratoire de physique des interfaces et couches minces a mis en évidence l'existence de clusters de silicium hydrogéné d'environ 1 nm de diamètre. Ces nanoclusters ultrastables, déposés sur une cathode, peuvent multiplier par 30 la densité de courant des électrons extraits. Les applications potentielles sont nombreuses: propulseurs spatiaux, réacteurs de fusion nucléaire, microscopie électronique, etc.
Dans la plupart des applications des canons à électrons, on cherche à accroître la densité du courant d'électrons extraits. Une équipe du Laboratoire de physique des interfaces et couches minces (LPICM, CNRS/Polytechnique) propose une solution innovante, qui repose sur des résultats inédits: des nanoclusters de silicium hydrogénés (SiNC), dont l'existence était jusqu'ici seulement prévue par la simulation numérique, sont déposés sur la cathode émettrice. Ces résultats ont été publiés dans la revue ACS Applied Nano Materials.
Ces clusters d'environ 1 nm de diamètre - des structures non cristallines d'atomes de silicium- ont la particularité d'être très stables, plus stables même que la structure cristalline du silicium. Mais ce n'est pas leur seule spécificité: les SiNC ont un fort moment dipolaire permanent, dû à la délocalisation des électrons au sein de la structure d'atomes de silicium.
Pour valider ces résultats, des nanoclusters de silicium ont été fabriqués par dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (PECVD). Les caractéristiques prévues par la simulation ont été expérimentalement observées, en particulier la présence d'un moment dipolaire permanent, dont le rôle est essentiel pour le développement des applications des SiNC.
En effet, ce moment dipolaire électrique a été utilisé par les chercheurs comme une ''poignée moléculaire'' qui permet de manipuler les SiNC à l'aide d'un champ électrique extérieur. C'est également ce dipôle qui favorise l'auto-assemblage des nanoclusters pour former des nanofils de silicium à la surface d'une cathode. Le champ électrique appliqué contrôle la direction de croissance des fils, tandis que leur longueur dépend de la durée du dépôt. Pour évaluer l'efficacité de leur solution, les chercheurs ont déposé des nanofils de silicium sur une cathode en LaB6, le matériau aujourd'hui utilisé pour maximiser l'émission d'électrons. Résultat: la densité de courant d'électrons extraits est 30 fois supérieure à celle du LaB6 seul.
Ces performances permettent déjà d'envisager des applications. Ainsi, un projet de prématuration du CNRS porte sur l'utilisation de cathodes ''dopées'' aux SiNC dans des propulseurs électriques spatiaux (satellites...). L'équipe du LPICM prépare également une collaboration avec le projet de réacteur expérimental de fusion nucléaire ITER. Pour la production d'ions négatifs dans le réacteur, des cathodes LaB6/SiNC pourraient avantageusement remplacer la solution actuelle à base de césium, qui pose de nombreux problèmes. En parallèle, le laboratoire approfondit sa connaissance des SiNC, avec notamment pour objectif de déterminer la longueur optimale de nanofils pour obtenir une densité de courant d'électrons maximale.
Références: Hydrogenated Silicon Nanoclusters with a Permanent Electric Dipole Moment for the Controlled Assembly of Silicon-Based Nanostructures
Fatme Jardali, Bryan P. Keary, Tatiana Perrotin, François Silva, Jean-Charles Vanel, Yvan Bonnassieux, Stéphane Mazouffre, Albert A. Ruth, Mohamed E. Leulmi, and Holger Vach. ACS Appl. Nano Mater. 2021, 4, 11, 12250-12260. https://doi.org/10.1021/acsanm.1c02754
Contacts:
Holger Vach - Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique des interfaces et couches minces (LPICM, CNRS/Polytechnique)