Le système immunitaire joue un rôle non seulement dans la défense vis-à-vis des pathogènes mais aussi dans l'élimination des cellules tumorales. Alice Carrier et ses collègues du Centre de recherche en cancérologie de Marseille révèlent une nouvelle fonction de la Sérine Protéase Spécifique du Thymus TSSP en démontrant qu'elle diminue l'incidence de cancers par le biais de son effet sur la maturation des globules blancs appelés cellules T CD4. Ces travaux publiés dans la revue Cell Reports mettent en lumière l'implication d'une enzyme régulatrice du système immunitaire dans la prévention du cancer et ouvrent de nouvelles perspectives de traitement par immunothérapie.
Figure: Illustration de l'importance de TSSP dans la suppression de tumeur via son impact sur une immunité anti-tumorale pleinement efficiente. La protéase TSSP est fortement exprimée dans des cellules stromales du thymus (cellules épithéliales du cortex thymique) impliquées dans l'éducation des lymphocytes T. Son activité est requise pour la maturation de sous-types de lymphocytes T CD4+. TSSP participe donc à l'établissement d'un répertoire élargi de cellules T (symbolisé par les petits cercles de différentes couleurs; haut de la figure). Les lymphocytes T jouent un rôle essentiel dans l'immunité anti-tumorale. En l'absence de TSSP (bas de la figure), le répertoire des lymphocytes T n'est pas aussi varié qu'en sa présence (symbolisé par une diminution de la diversité des couleurs des petits cercles). Ce défaut entraine une diminution de l'efficience de l'immunité anti-tumorale.
Alice Carrier et ses collègues du laboratoire de Juan Iovanna au Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM) avaient précédemment démontré que la Sérine Protéase Spécifique du Thymus TSSP joue un rôle dans la sélection dans le thymus de globules blancs appelés cellules T CD4, un processus qui permet l'élimination des cellules potentiellement auto-réactives et nuisibles, et la survie de cellules portant un récepteur adapté à la reconnaissance d'antigènes étrangers issus d'agents infectieux.
Les chercheurs révèlent dans cette nouvelle étude une fonction inédite de TSSP en démontrant, grâce à l'inactivation du gène TSSP chez la souris, qu'elle diminue l'incidence de cancers par le biais de son effet sur la maturation des cellules T CD4 dans le thymus. En effet, en l'absence de TSSP, l'incidence d'hépatocarcinomes et de lymphomes est accrue. L'incidence des cancers colorectaux en réponse à une inflammation intestinale est également augmentée. L'absence de TSSP favorise donc à la fois le développement de cancers spontanés et la formation de tumeurs induite par une inflammation chronique.
Les chercheurs révèlent également le mode d'action de TSSP: les cellules T CD4, dont TSSP régule la maturation, sont requises pour la prévention du cancer et TSSP affecte le type de molécules régulatrices de l'inflammation via les cellules T CD4, en particulier en diminuant la production de la cytokine IL-17 dont le rôle sur la formation de tumeurs du côlon est connu.
Ces travaux soulignent le rôle du système immunitaire dans le contrôle de la formation de tumeurs colorectales, ce qui doit être pris en compte dans les protocoles thérapeutiques. Les défauts de l'activité de l'enzyme TSSP chez les patients atteints de cancer restent à explorer. Cette connaissance pourra être utilisée pour optimiser les stratégies d'immunothérapie anticancéreuse, en particulier dans le cadre de traitements visant à stimuler l'immunité propre des patients. Cette étude fournit un modèle préclinique de choix dans ce contexte.