La paramyotonie congénitale - Une mutation dans l'engrenage

Publié par Isabelle le 11/02/2012 à 12:00
Source: Jean Hamann - Université Laval
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Mohamed Chahine, chercheur à la Faculté de médecine: "La paramyotonie congénitale fait partie des maladies orphelines. Peu de personnes en souffrent et il n'y a pas de regroupement de malades ni de fondation pour sensibiliser la population et appuyer la recherche."
Photo: Marc Robitaille
Des chercheurs démontrent comment une mutation causant une maladie génétique rare enraye la mécanique neuromusculaire.

Imaginez une maladie qui cause des crampes aux muscles du visage et des mains à un point tel qu'il est temporairement impossible d'ouvrir les paupières après les avoir fermées ou de relâcher la main d'une autre personne après l'avoir serrée. Imaginez que cette excitabilité musculaire est exacerbée par l'activité physique ou par le froid. Enfin, imaginez que vous vivez dans un pays où le mercure plonge sous zéro la moitié de l'année. Voilà ce que vivent les Québécois atteints de paramyotonie congénitale, une maladie neuromusculaire rare sur laquelle on sait encore peu de choses. "Elle fait partie des maladies orphelines, dit le professeur Mohamed Chahine, de la Faculté de médecine de l'Université Laval. Peu de personnes en souffrent et il n'y a pas de regroupement de malades ni de fondation pour sensibiliser la population et appuyer la recherche."

La paramyotonie congénitale apparaît dès l'enfance. Elle n'a pas d'incidence sur la longévité, mais les personnes qui en souffrent doivent composer avec les sérieux désagréments qu'elle entraîne sur le plan personnel et professionnel. Elle a été décrite pour la première fois en 1886, mais il a fallu attendre un siècle avant qu'on découvre le gène défectueux (SCN4A) qui la cause. Depuis, les recherches ont établi qu'il existe plusieurs mutations de ce gène qui provoquent la maladie. "On ne connaît pas la prévalence de cette maladie dans le monde, souligne Jack Puymirat, spécialiste des myotonies. Au Québec, nous avons trouvé des cas dans 45 familles élargies, mais il pourrait y en avoir beaucoup plus. Comme la gravité des symptômes est très variable, certains porteurs de la maladie ne vont jamais consulter de médecin à ce propos."

En 2007, une équipe de chercheurs québécois, dont faisait partie Jack Puymirat, Nicolas Dupré et Nicolas Chrestian, de la Faculté de médecine, annonçait la découverte d'une nouvelle mutation (M1476I) responsable de deux tiers des cas de paramyotonie dans les familles de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. "Il s'agit d'une mutation fondatrice, c'est-à-dire qu'elle a été apportée par les premières personnes qui ont colonisé la région", précise le professeur Puymirat. La semaine dernière, le professeur Chahine et Juan Zhao (Institut universitaire en santé mentale de Québec), Jack Puymirat (CHUQ) et Nicolas Dupré (CHA) écrivaient un nouveau chapitre sur la paramyotonie en publiant, dans The Journal of Physiology, un article qui expliquait comment cette mutation enraye la mécanique neuromusculaire.

La contraction normale d'un muscle dépend de la circulation d'ions entre l'intérieur et l'extérieur des cellules musculaires. Cette circulation est contrôlée par l'ouverture et la fermeture de canaux ioniques, dans lesquelles intervient le gène SCN4A. "Chez les personnes qui ont la mutation M1476I, les canaux qui assurent le passage des ions sodium sont défectueux. La fermeture du canal est incomplète de sorte que la cellule demeure excitée plus longtemps qu'elle le devrait, explique le professeur Chahine. Les muscles se décontractent mal et la situation empire lorsqu'il y a répétition d'un mouvement ou exposition au froid."

Le médicament le plus souvent prescrit pour traiter les personnes atteintes de paramyotonie (mexiletine) est efficace pour les porteurs de la mutation M1476I. Ce médicament, également utilisé contre l'arythmie cardiaque, bloque les canaux sodiques, stoppant ainsi le courant produit par la circulation des ions sodium. Son efficacité dans le traitement de la paramyotonie viendrait du fait qu'il a 20 fois plus d'affinité pour les canaux sodiques ouverts que pour les canaux fermés.

Grâce à la découverte de la mutation M1476I, il est maintenant possible d'établir un diagnostic génétique - et d'écarter ainsi d'autres maladies produisant des symptômes similaires - à un prix raisonnable, souligne le professeur Puymirat. "Le gène SCN4A est très long et le séquençage coûtait près de 4000 $. Maintenant que l'on sait ce qu'on cherche, on peut obtenir un diagnostic pour 150 $."
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