Des probiotiques pour mieux grandir ?

Publié par Michel,
Source: CNRS-INSBAutres langues:
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La bactérie probiotique Lactobacillus plantarum, présente naturellement dans l'intestin de la mouche drosophile, promeut la croissance de son hôte lorsque celui-ci se développe au sein d'un milieu nutritif carencé. C'est ce qu'ont démontré des chercheurs de l'Institut de biologie du développement de Marseille Luminy (IBDML, CNRS/Université de la Méditerranée). Leur étude a été publiée dans la revue Cell Metabolism le 7 septembre 2011.

La très grande majorité des organismes vivants présentent, au niveau de leurs muqueuses, des communautés bactériennes avec lesquelles ils établissent des interactions complexes essentielles à leur physiologie. Dans l'intestin par exemple, ces communautés microbiennes, aussi appelées "microbiote", augmentent l'efficacité des processus digestifs en apportant des activités enzymatiques supplémentaires qui permettent à l'organisme hôte d'optimiser la digestion de nutriment complexes et d'en extraire plus d'énergie. Il est également établi qu'elles favorisent la mise en place du système immunitaire intestinal et limitent la colonisation de l'intestin par des pathogènes. En retour, le microbiote trouve lui aussi un avantage à cette association puisqu'elle lui offre le privilège de pouvoir coloniser une niche protégée et riche en nutriment, l'hôte fournissant "le gîte et le couvert". Cette association mutuellement bénéfique repose toutefois sur un équilibre constant entre les deux partenaires. En effet, la rupture de ce dernier peut favoriser l'apparition de syndromes infectieux épisodiques ou inflammatoires chroniques, des pathologies métaboliques et parfois même, des processus de cancérisation.

Malgré toute la connaissance issue des laboratoires au sujet des communautés bactériennes avec lesquelles nous vivons en symbiose, il reste à obtenir une vision intégrée, à l'échelle de l'organisme entier, des bénéfices d'une telle association et à décrire plus précisément les mécanismes moléculaires qu'elle sous-tend. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des compléments alimentaires appelés "probiotiques", qui ont été définis par la Food and agriculture organization (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme "des microorganismes vivants qui, lorsque administré en quantité adéquate, confèrent des bénéfices pour la santé de leur hôte". Ces microorganismes correspondent en grande majorité à des souches sélectionnées d'espèces bactérienne du genre Lactobacillus et Bifidobacterium, retrouvées communément dans le tractus digestif humain.

L'industrie agroalimentaire mène d'intenses campagnes de marketing, vantant les effets bénéfiques de ces compléments sur la santé humaine ou animale. Les autorités de sécurité alimentaire européennes rejettent cependant ces allégations pour cause d'évidences scientifiques insuffisantes. Il est donc devenu essentiel de revisiter les bénéfices physiologiques associés à la prise de probiotiques et d'accumuler davantage de connaissances fondamentales sur les relations générales qui existent entre les bactéries intestinales et leur hôte. Dans cette optique, l'utilisation de modèles animaux est d'une grande aide. Celui qui a été choisi par François Leulier, chercheur dans l'équipe de Julien Royer à l'IBDML, est Drosophila melanogaster, plus communément appelée "la mouche du vinaigre".


Figure: Lactobacillus plantarum (en bleu) est retrouvé dans l'intestin et les fèces de la femelle drosophile adulte, à la surface de ses oeufs fraichement pondus et dans l'intestin de ses descendants encore au stade larvaire. Après six jours de culture sur un milieu nutritif carencé, les larves colonisées par Lactobacillus plantarum (intestin coloré en bleu) sont significativement plus avancées dans leur croissance que les individus de la même fratrie qui n'ont pas été colonisés (intestin non coloré). © IBDML, François Leulier

Dans l'article de Cell metabolism, les scientifiques ont démontré que le microbiote intestinal de la drosophile influence la physiologie de son hôte en optimisant sa croissance en condition de carence alimentaire. Suite à cette première observation, ils sont parvenus à identifier l'une des espèces bactériennes intestinales responsables de cette augmentation de croissance. Il s'agit d'une souche de Lactobacillus plantarum, connue pour sa capacité à coloniser de nombreuses niches écologiques, y compris le tractus gastro-intestinal humain, et parfois commercialisée sous l'appellation de "probiotiques". Les chercheurs ont alors montré que Lactobacillus plantarum promeut la croissance de la drosophile en modulant des signaux hormonaux via l'activation d'une voie de signalisation qui répond en temps normal à la concentration en nutriment dans la circulation.

Dans leur ensemble, ces résultats suggèrent un rôle inédit pour le microbiote intestinal dans le contrôle de la croissance de son hôte. Non contents d'ouvrir de nouvelles voies et perspectives de recherche dans la compréhension des mécanismes moléculaires responsables de l'activité bénéfique de cette souche de lactobacille, ils posent des espoirs thérapeutiques immenses dans le domaine de la malnutrition. Reste néanmoins à vérifier que les conclusions tirées chez l'insecte puissent également l'être chez l'Homme...


Référence:

Lactobacillus plantarum promotes Drosophila systemic growth by modulating hormonal signals through TOR-dependent nutrient sensing, Gilles Storelli, Arnaud Defaye, Berra Erkosar, Pascal Hols, Julien Royet, François Leulier, Cell Metabolism 14(3):403-414, Published on September 7, 2011, doi:10.1016/j.cmet.2011.07.012.
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