Dans les méandres souterrains du campus de l'ETH Zurich, une équipe de chercheurs dirigée par Andreas Wallraff a construit une installation impressionnante pour réaliser un test de Bell sans faille (test de violation ou non des inégalités de Bell). Le but: démontrer que la causalité locale, un concept défendu par Albert Einstein, est contredite par les lois de la mécanique quantique.
Section partielle de la connexion quantique de 30 mètres de long entre deux circuits supraconducteurs. Le tube à vide (au centre) contient un guide d'onde micro-onde refroidi à environ -273°C et relie les deux circuits quantiques. Crédit: ETH Zurich / Daniel Winkler
Le test de Bell, proposé par le physicien britannique John Bell dans les années 1960, a pour objectif de déterminer si les prédictions de la mécanique quantique, contraires à l'intuition, sont correctes ou si les concepts conventionnels de causalité s'appliquent aussi au monde quantique. Depuis les premiers tests pratiques menés par John Francis Clauser et Stuart Freedman, les chercheurs ont réussi à combler progressivement les failles de ces expériences.
L'équipe dirigée par Andreas Wallraff confirme les résultats obtenus lors de précédents tests de Bell sans faille en réalisant une expérience originale. Les chercheurs ont démontré que les circuits supraconducteurs, bien plus grands que les objets quantiques microscopiques, obéissent eux aussi aux lois de la mécanique quantique.
L'approche développée par les chercheurs permet de prouver beaucoup plus efficacement que les autres expériences la violation des inégalités de Bell, ce qui la rend particulièrement intéressante pour des applications pratiques. Simon Storz, un étudiant en doctorat dans l'équipe de Wallraff, explique que les tests de Bell peuvent être utilisés pour montrer que des informations sont bien transmises de manière sécurisée et cryptée.
Toutefois, la mise en place d'une telle expérience nécessite une installation de test sophistiquée. Pour que le test de Bell soit véritablement sans faille, les chercheurs doivent s'assurer qu'aucune information ne peut être échangée entre les deux circuits intriqués avant la fin des mesures quantiques. Ainsi, l'équipe de Wallraff a construit une installation impressionnante dans les souterrains du campus de l'ETH, où les deux circuits supraconducteurs sont reliés par un tube de 30 mètres de long, refroidi à une température proche du zéro absolu.
Après avoir analysé plus d'un million de mesures, les scientifiques ont montré que les inégalités de Bell sont bels et bien violées dans cette expérience. Cela signifie que les lois étranges de la mécanique quantique s'appliquent également aux circuits électriques de grande taille, et que ces circuits supraconducteurs peuvent être intriqués même sur de grandes distances. Cette découverte ouvre des possibilités intéressantes dans les domaines de l'informatique quantique et de la cryptographie.