🧬 Ce mammouth laineux a permis de séquencer de l'ARN vieux de 40 000 ans, un record !

Publié par Cédric,
Auteur de l'article: Cédric DEPOND
Source: Cell
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La découverte d'un mammouth laineux juvénile nommé Yuka, retrouvé dans le pergélisol sibérien avec sa peau et ses muscles intacts, a déjà marqué l'histoire de la paléontologie. Une équipe de scientifiques vient d'ajouter une dimension inédite à cette trouvaille en extrayant de ses tissus des fragments d'ARN vieux de 40 000 ans. Ces molécules, réputées pour leur extrême fragilité, offrent un accès direct à l'activité biologique de l'animal peu avant sa mort, dévoilant des aspects de sa physiologie que l'ADN seul ne pouvait révéler.

Cette avancée repose sur l'étude de l'acide ribonucléique, une molécule essentielle au fonctionnement des cellules. Contrairement à l'ADN, qui constitue le plan génétique stable d'un organisme, l'ARN joue un rôle de messager et d'activateur. Son analyse permet de déterminer quels gènes étaient fonctionnels dans un tissu spécifique à un moment précis. La conservation exceptionnelle de Yuka dans les glaces sibériennes a permis à ces molécules, qui se dégradent normalement en quelques heures après la mort, de traverser les millénaires.


L'une des jambes de Yuka, illustrant la conservation exceptionnelle de la partie inférieure après l'ablation de la peau, ce qui a permis la récupération de molécules d'ARN anciennes.
Photo: Valeri Plotnikov.


L'exploit technique et ses révélations biologiques


L'extraction de cet ARN ancien représente un tour de force technique. Les chercheurs ont dû développer des méthodes spécifiques pour isoler et séquencer ces molécules délicates à partir d'échantillons de muscle prélevés sur la carcasse de Yuka. Leurs travaux, publiés dans la revue Cell, démontrent que l'ARN peut persister bien plus longtemps qu'on ne le pensait dans des conditions de conservation optimales. Cette découverte élargit considérablement le champ des possibles pour l'étude des espèces disparues.

L'analyse de l'ARN a permis de reconstituer le "transcriptome" du mammouth, c'est-à-dire la carte complète des gènes actifs dans ses muscles au moment de sa mort. Les scientifiques ont identifié des ARN codant pour des protéines impliquées dans la contraction musculaire et la régulation du métabolisme énergétique. De manière significative, ils ont également détecté des ARN associés à des protéines de réponse au stress cellulaire. Ce profil moléculaire particulier corrobore l'hypothèse d'une mort non naturelle, suggérant que le jeune mammouth a subi une agression intense, probablement une attaque de lions des cavernes, peu avant sa mort.

Parmi les découvertes les plus significatives figurent des microARN, de petites molécules régulatrices qui contrôlent l'expression des gènes. Leur séquence présentait des mutations rares caractéristiques des mammouths, confirmant l'authenticité de ces vestiges moléculaires. Ces microARN offrent la preuve directe de processus biologiques en cours au moment du décès, capturant une activité cellulaire qui était jusqu'ici inaccessible à l'investigation scientifique. Ils figent pour l'éternité les tout derniers processus physiologiques de l'animal.



Perspectives pour la paléogénétique et au-delà


Cette réussite ouvre des perspectives considérables pour la compréhension des espèces éteintes. La possibilité d'étudier l'ARN ancien permet désormais d'appréhender non seulement la constitution génétique des animaux disparus, mais aussi le fonctionnement de leur organisme. Cette approche pourrait s'appliquer à d'autres spécimens exceptionnellement bien conservés, comme ceux provenant du pergélisol ou de grottes glacées, pour explorer divers aspects de leur biologie.

L'une des applications les plus prometteuses concerne l'étude des virus anciens. De nombreux pathogènes, comme ceux de la grippe ou les coronavirus, utilisent l'ARN comme support génétique. L'analyse de tissus anciens pourrait permettre de détecter la présence de ces virus et de retracer leur histoire évolutive sur des millénaires. Cette voie de recherche offre un potentiel significatif pour comprendre les interactions entre les animaux disparus et leurs pathogènes.

Bien que ces travaux n'aient pas d'application directe pour les projets de désextinction, ils pourraient néanmoins les éclairer de manière indirecte. La compréhension fine des gènes actifs dans des tissus spécifiques, comme les follicules pileux responsables de la fourrure caractéristique des mammouths, pourrait guider les recherches visant à recréer certains traits morphologiques chez leurs cousins éléphantidés modernes.

Pour aller plus loin: Qu'est-ce que l'ARN et en quoi diffère-t-il de l'ADN ?


L'ARN, ou acide ribonucléique, est une molécule fondamentale présente dans toutes les cellules vivantes. Sa structure chimique diffère légèrement de celle de l'ADN, ce qui la rend plus flexible mais aussi plus susceptible de se dégrader rapidement. Alors que l'ADN conserve l'information génétique de manière stable, l'ARN assure des fonctions dynamiques essentielles.

L'une des principales fonctions de l'ARN est de servir d'intermédiaire entre l'ADN et la production de protéines. Il copie l'information contenue dans un gène et la transporte vers les usines cellulaires où les protéines sont assemblées. Sans l'ARN, les instructions codées dans l'ADN ne pourraient pas être mises en œuvre par la cellule.

Contrairement à l'ADN qui forme une double hélice, l'ARN est généralement constitué d'un seul brin. Cette structure le rend plus vulnérable aux enzymes qui le dégradent naturellement après avoir accompli sa fonction. Sa durée de vie limitée est précisément ce qui rend sa découverte chez Yuka si remarquable.
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