La news rétro de ce dimanche nous donne un aperçu des connaissances astronomiques en 1923.
Avertissement: Cette news rétro retranscrit des connaissances scientifiques, techniques ou autres de 1923, et contient donc volontairement les arguments, incertitudes et erreurs d'époque.
Ce sont ici les dernières nouvelles du ciel...Elles ont mis cent dix mille ans à nous parvenir. Simple bagatelle dans ce monde des soleils et des étoiles où tout est pour l'imagination vertige et éblouissement.
L'amas globulaire Omêga du Centaure
Qui aurait cru que les Nuées de Magellan, pâlissant dans les régions antipodiques du ciel austral, seraient un jour une mine de révélations merveilleuses ! On les appelle, modestement, le Grand Nuage et le Petit Nuage et on leur a donné le nom du célèbre Magellan, le premier explorateur des mers du Sud. Ce sont deux nébuleuses immenses, visibles à l'œil nu, qui paraissent des flocons détachés de la Voie Lactée, comme deux nuages sidéraux que les vents du ciel éthéré auraient emportés et laissés là, pour l'éternité, en pendant avec la Croix du Sud brillant au loin, de l'autre coté du pôle austral, et du Centaure dont l'amas stellaire est un poème et qui possède l'étoile la plus proche de la Terre...à quarante mille milliards de kilomètres de notre mobile séjour.
En vertu de la précession des équinoxes, ces constellations australes, actuellement invisibles sous nos latitudes, ont été vues par nos pères, comme elles reviendront sous les yeux de nos successeurs dans douze mille cinq cent ans. [...]
Les constellations du pôle austral: Le Grand et le Petit Nuage (Nuées de Magellan)
Les plus récentes mesures du Grand Nuage lui attribuent un diamètre de 15.000 années de lumière, c'est-à-dire que, pour le parcourir dans toute sa largeur, les rayons lumineux partis d'un bord du Nuage à raison de 300.000 kilomètres par seconde, continuent leur vol pendant une minute (18 millions de kilomètres), une heure (1 milliard 80 millions), un jour (25 milliards 920 millions), une année (9 trillions 467 milliards), un siècle (946.700 milliards), cent cinquante siècles, sans aucune interruption, ajoutant constamment trois cent mille kilomètres à chaque seconde révolue pendant tout ce temps, pour atteindre enfin l'autre bord du Nuage, ce qui correspond à une étendue de 142 millions de milliards de kilomètres !
Ces chiffres dépassent presque l'entendement humain. [...]. Mais la distance du Grand Nuage de Magellan est encore plus effarante que sa grandeur. La lumière que nous en recevons maintenant est en route depuis cent dix mille ans ! Elle a quitté les Nuées aux temps paléolithiques de la Terre, à l'Age de la pierre taillée, où l'homme primitif voisinait en Europe, avec l'ours des cavernes et le rhinocéros tychorinus, vivait en d'infectes tanières pendant la nuit, vêtu de la peau des bêtes qu'il chassait le jour à coup de pierres et de bâtons, homme presque aussi sauvage que les fauves de son époque, homme à peine humain...
Et ce rayon de lumière, contemporain de l'humanité encore animale et vagissante, nous arrive aujourd'hui, en un autre âge de pierre que nous pourrions appeler l'Age de la pierre bâtie, supplantant les antiques et magnifiques forêts de nos aïeux.
Dans le Grand Nuage, Hershel a compté 592 étoiles isolées, 284 nébuleuses et 66 amas d'étoiles formant autant de groupes distincts
Remarquons que ces Nuées de Magellan peuvent ne plus exister, être dissoutes, tandis que nous les observons. Elles pourraient avoir été disloquées par un cataclysme céleste il y a mille ans, cinq mille ans, dix mille ans, ce qui n'empêcherait pas les Terriens de continuer à les voir pendant cent mille années environ, jusqu'à ce que le dernier rayon émis vienne frapper les yeux des habitants de notre planète. Mais les cataclysmes sidéraux sont certainement moins fréquents que nos accidents de chemins de fer ou d'autos... Un million, un milliard d'années, ce n'est qu'un éclair dans l'évolution des corps célestes.
Et puis, ces Nuages sidéraux disparaîtront peut-être du ciel de la Terre autrement que par leur dislocation, en s'évadant de notre firmament, car elles s'enfuient avec une vitesse folle à travers l'espace, vitesse de l'ordre de 600 kilomètres par seconde dans son ensemble, soit 2 millions de kilomètres à l'heure ou 19 milliards de kilomètres par an... à moins qu'elles tournent sur elles-mêmes en une mystérieuse et formidablement lente rotation, qui les ramène sous "nos yeux", dans... quelques centaines de milliers d'années.
Si ce mouvement inouï des Nuées stélifères du ciel austral se poursuit indéfiniment vers un éloignement perpétuel, nous pouvons penser que ces Nuées, dont les molécules constituantes sont des soleils à tous les degrés de l'évolution stellaire: soleils en pleine activité, puissants systèmes de mondes, soleils agonisants ou défunts et soleils futurs non encore condensés, nous pouvons penser, dis-je, que ces Nuées n'appartiennent pas à notre univers, qu'elles sont extérieures à notre Voie Lactée et qu'elles forment une concurrence d'univers étrangers à notre propre colonie galactique.
Le Petit Nuage des Nuées de Magellan occupe une étendue de 3 degrés carrés, c'est-à-dire environ 50 fois la surface apparente du disque lunaire. Il est environné d'une sorte de désert où brille le magnifique amas stellaire du Toucan
(Extraits du texte de Camille Flammarion)
Note: De nos jours, les deux Nuages de Magellan sont identifiés comme deux galaxies de notre Groupe Local. Le Grand Nuage se situe à 179.000 années-lumière.