Suffit-il de changer d'habitat pour ne plus vieillir ?

Publié par Isabelle le 18/09/2020 à 13:00
Source: CNRS INEE
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La manière de vieillir varie fortement entre espèces animales et végétales. Chez de nombreuses espèces les performances de survie et de reproduction diminuent avec l'âge des individus alors que chez d'autres elles ne changent pas voire augmentent. Dans une étude, à paraître dans la revue Journal of Animal Ecology, des chercheurs du CNRS et de Sorbonne Université ont analysé les données d'un suivi individuel d'une population de vipère d'Orsini, commencé dans les années 80 dans le Mont Ventoux, pour étudier la manière dont ces serpents vieillissent dans la nature. Dans leur article, ils montrent une remarquable variabilité spatiale du vieillissement des vipères. Alors que, sur un versant, les serpents souffrent du vieillissement, sur l'autre versant, la sénescence est négligeable même aux âges les plus avancés. Cela montre que la sénescence peut dramatiquement changer à une échelle spatiale très fine.


Cette femelle gestante de vipère d'Orsini a été photographiée en mai 2015. Elle mesurait 39 cm. Elle a été recapturée en août de la même année et a donné naissance à trois vipéreaux, dont un mort-né. Elle a été observée la première fois dans la nature en 2008 et était alors une vipère subadulte de 25 cm. Elle avait alors probablement 2 ou 3 ans. Elle a été observée pour la dernière fois en aout 2014 et devait devait donc avoir environ 8-9 ans.

La durée de vie et les rythmes de vieillissement varient grandement entre espèces animales et végétales. Chez certaines, la survie et la reproduction déclinent avec l'âge: elles souffrent de sénescence. Chez d'autres, les vieux individus maintiennent des performances reproductives et de survie similaires aux jeunes: la sénescence est alors dite négligeable. Enfin, la sénescence peut être négative quand la survie ou la reproduction s'améliorent avec l'âge. La manière dont la mortalité et la reproduction changent avec l'âge des individus est encore mal connue chez les serpents, mais une théorie évolutive prédit une sénescence négligeable chez les espèces qui, comme les serpents, continuent à grandir à l'âge adulte et dont les femelles sont de plus en plus fécondes quand leur taille corporelle augmente.

Dans une étude parue dans la revue Journal of Animal Ecology, des chercheurs du laboratoire iEES (CNRS/ Sorbonne Univ/ Univ Paris-Est Creteil Val-De-Marne / INRAE/ IRD/ Univ De Paris) ont analysé des trajectoires individuelles de vieillissement de la vipère d'Orsini (Vipera ursinii) à partir des données d'un programme de marquage-recapture effectué pendant 36 années successives dans deux habitats voisins d'une population du Mont Ventoux en France. Les analyses permettent de quantifier l'espérance de vie, les temps de génération et la forme de la sénescence de la survie et de la reproduction.

Les chercheurs ont tout d'abord démontré que les vipères femelles parviennent à maintenir de bonnes performances reproductives même à des âges avancés, illustrant une sénescence reproductrice négligeable dans cette population. De plus, ils ont montré que la forme de la sénescence de survie varie fortement à une très petite échelle géographique: dans l'habitat optimal, la survie adulte des vipères demeure stable quel que soit leur âge alors qu'à quelques centaines de mètres, dans un habitat moins favorable, les vipères mâles et femelles subissent une forte sénescence de survie.

Ces résultats démontrent que de forts changements qualitatifs dans les profils de sénescence peuvent être observés à une échelle spatiale réduite. Cette plasticité intra-spécifique de la sénescence offre des perspectives nouvelles pour mieux comprendre comment l'environnement détermine l'évolution de la sénescence chez les espèces sauvages.


Ce jeune vipéreau mâle a été capturé au printemps 2011. Étant donné sa taille (15cm 3,8g), on est sur qu'il est né à la fin de l'été 2010. Les jeunes vipères sont très difficiles à observer sur le terrain mais lorsque les vipères sont capturées pour la première fois assez jeunes, comme c'est le cas ici, il est possible en utilisant leur taille d'estimer avec précision leur année et naissance et donc de pouvoir connaitre précisément leur âge s'ils sont recapturés par la suite. Une particularité de cette étude est aussi d'avoir marqué des vipéreaux à la naissance avant de les relâcher. Il est alors possible de connaître l'âge de ces individus s'ils sont capturés quelques années après à l'age adulte

Référence:

Tully, T., Le Galliard, J.-F., & Baron, J.-P. (2020).Micro-geographic shift between negligible and actuarial senescence in a wild snake. Journal of Animal ecology, 09, 20.

Objectif 15: Vie terrestre. La déforestation et la désertification posent des défis majeurs au développement durable.

La conservation des espèces et de leurs habitats naturels permet de conserver un patrimoine biologique dont l'étude scientifique peut nous aider à mieux comprendre le fonctionnement du vivant. Ici, l'étude d'une petite population relictuelle extrêmement menacée nous permet de découvrir à quel point le vieillissement peut varier au sein d'une même population ce qui ouvre des perspectives nouvelles sur l'importance potentielle de la qualité de l'environnement sur le vieillissement d'autres espèces.

Contacts:

- Thomas Tully - Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris (IEES - CNRS/IRD/Univ Paris-Est Val-de-Marne/Inra/ Univ Sorbonne Université) - thomas.tully at sorbonne-universite.fr

- Julie Legoupi - Communication - Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris (IEES - CNRS/IRD/Univ Paris-Est Val-de-Marne/Inra/ Univ Sorbonne Université) - julie.legoupi at upmc.fr
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