Supraconductivité: à la recherche d'une "glu" magnétique entre les électrons

Publié par Michel,
Source: CNRS
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Pour la première fois, des chercheurs allemands (Max-Planck-Institut, FRM-II) et français (Laboratoire Léon Brillouin, CEA-CNRS) ont quantifié les excitations magnétiques d'un matériau Fer-Arsenic à l'état supraconducteur. L'expérience devrait permettre de tester l'hypothèse d'une "glu" magnétique liant les électrons dans cet état particulier de la matière. Ces travaux viennent d'être publiés dans Nature Physics de mars 2010.


Représentation d'un état quantique de spin 1/2 par une sphère de Riemann.

La supraconductivité est un état particulier de la matière qui permet à certains métaux de conduire le courant électrique sans résistance. Pour la plupart des matériaux, elle est observée en-dessous d'une température "critique", variant de 1 à 20 Kelvin (entre -272 et -253 °C). Alors que les électrons, qui portent la même charge, sont connus pour se repousser, les théories de la supraconductivité reposent sur l'existence d'une force attractive – "la glu" (1)- conduisant à la circulation des électrons par paires à l'intérieur du matériau. Depuis plusieurs décennies, les scientifiques s'interrogent sur la possibilité d'obtenir une glu supraconductrice à partir des fluctuations magnétiques engendrées par les électrons eux-mêmes.

Ces recherches ont connu un brusque rebondissement en 2008 avec la découverte de supraconductivité à haute température critique (jusqu'à 50 Kelvin, soit -223 °C) dans des composés à base de fer dits "pnictures de fer" (2). L'observation était surprenante car le fer magnétique (du fer associé à d'autres éléments) est plutôt considéré comme antagoniste de la supraconductivité.

Plus récemment, des chercheurs du Max Planck Institut et du Laboratoire Léon Brillouin ont mesuré les fluctuations magnétiques dans une des familles de ces composés en fonction de la température, grâce à une technique de diffusion de neutrons (3). En portant le composé au-dessus puis en-dessous de la température critique, ils ont étudié ses propriétés lorsqu'il est en phase métallique (conduction de l'électricité classique) et en phase supraconductrice. Dans l'état supraconducteur, l'appariement des électrons conduit à une profonde restructuration du spectre des fluctuations magnétiques. Cette variation du spectre ne se manifeste qu'en-dessous de l'énergie nécessaire pour "briser" les paires d'électrons.

Ce qui distingue ces travaux de ceux réalisés par d'autres équipes, c'est qu'ils donnent une vision très complète et quantitative du spectre des excitations directement exploitable pour tester la pertinence des modèles théoriques pour ces matériaux. Pour la première fois avec ces composés, les chercheurs ont pu quantifier de manière absolue les fluctuations magnétiques, pour plusieurs températures. Cela va permettre aux théoriciens de les comparer précisément avec leurs simulations et de mieux évaluer le rôle de la "glu" magnétique pour la supraconductivité de ces matériaux.


Notes:

(1) La glu supraconductrice: Pour de nombreux supraconducteurs, la "glu", responsable de la formation de paires d'électrons dites "de Cooper", se forme à partir de l'interaction des électrons avec les vibrations des atomes du matériau. Les électrons ont une charge électrique négative et portent une sorte de petit moment magnétique, appelé "spin". Des ondes magnétiques peuvent se propager dans les métaux sous forme de légères oscillations de ces spins. Les électrons circulent alors dans un bain de "fluctuations magnétiques". A température supraconductrice, deux électrons pourraient s'apparier du fait de leur interaction avec ces ondes magnétiques.

(2) Pnictures: (en anglais "pnictide"). Ce terme désigne les composés contenant des éléments de la colonne de l'azote (quinzième) du tableau de Mendeleiev (N, P, As, Sb...). Les pnictures de fer sont des composés FeAs, FeN, etc.

(3) diffusion inélastique de neutrons: Les chercheurs ont utilisé la technique de "diffusion inélastique de neutrons" en bombardant un échantillon cristallin fer-arsenic par les neutrons des réacteurs Orphée (à Saclay) et FRM-II (Garching, Allemagne). Le neutron est une particule non chargée qui pénètre facilement dans les matériaux. Et, comme l'électron, le neutron possède un spin, ce qui le rend sensible aux propriétés magnétiques du matériau qu'il traverse. Il se comporte alors comme une onde, dont la propagation et la fréquence vont être modifiées par les ondes magnétiques présentes dans le matériau traversé. La technique de diffusion inélastique des neutrons permet de savoir ce que les spins des électrons font dans l'espace et le temps. C'est la seule technique qui permet d'avoir accès au "spectre des fluctuations magnétiques".
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