Des physiciens français ont réalisé pour la première fois la mesure directe de la constante de Boltzmann par spectroscopie laser. Cette nouvelle technique, qui consiste à observer comment la lumière est absorbée par des molécules d'ammoniaque, est actuellement beaucoup moins précise que les méthodes existantes utilisées pour mesurer la constante. Néanmoins, les chercheurs pensent que son exactitude pourrait facilement être améliorée et que la technique devrait permettre d'élaborer une meilleure
définition de l'unité SI de
température (le kelvin).
La constante de Boltzmann, kв, est une
constante fondamentale de la nature qui associe l'
énergie cinétique d'un ensemble de particules microscopiques, telles que les molécules d'un gaz, à sa température. En conséquence, elle représente un lien crucial entre le monde microscopique des atomes et des molécules et les propriétés macroscopiques de la matière comme la pression. Jusqu'à présent, il n'existait qu'une technique (la mesure de la vitesse du son dans un gaz d'argon) capable de déterminer kв avec une précision d'environ de 2 pour un million (2 ppm). D'autres techniques moins précises existent également: mesure de bruit dans une résistance, détermination de la
constante diélectrique d'un gaz, ou encore mesure du
rayonnement émis par un
corps noir.
Le fait de pouvoir réaliser un certain nombre de mesures indépendantes de kв, c'est-à-dire en se basant sur des techniques qui sont sujettes à des erreurs systématiques différentes, est particulièrement important pour le Comité International des Poids et Mesures (CIPM), qui projette de redéfinir le kelvin en 2011 en utilisant cette constante.
Le kelvin actuel est défini comme étant la (1 / 273,16)-ème partie de la différence de température entre le zéro absolu et le point triple de l'eau très pure sous certaines conditions de pression. La technique du point triple est capable de définir le kelvin à mieux de 1 ppm, mais le problème avec cette définition est qu'elle est basée sur une situation physique particulière, qui doit être reproduite chaque fois qu'une définition plus précise du kelvin est exigée. Le CIPM souhaite définir le kelvin et les autres unités SI les unes en fonction des autres et des constantes fondamentales. Dans le cas du kelvin, cela concerne la seconde (connue à 1 pour 10^16) et la constante kв.
Christian Chardonnet et ses collègues de l' Université Paris 13 indiquent avoir développé une technique de spectroscopie laser potentiellement capable de mesurer kв avec une précision de 1 ppm. La technique exploite le fait que le mouvement
thermique d'une molécule (d'ammoniaque dans l'expérience de Chardonnet) brouille les pics de son spectre d'
absorption optique par un processus appelé élargissement thermique. La largeur de l'élargissement dépend de la constante kв, de la pression et de la température du gaz ainsi que de la
fréquence de la lumière absorbée. En mesurant cette largeur en fonction de la pression à température et à fréquence fixes, Chardonnet et son équipe ont pu déterminer kв avec une précision d'environ deux pour dix mille.
Bien que ce résultat soit loin de l'exactitude requise par le CIPM, les chercheurs pensent que, dans son principe, la technique pourrait être améliorée à 1 ppm. En particulier, les scientifiques ont l'intention d'utiliser dans leur expérience un contrôle de température plus rigoureux afin de la stabiliser avec une précision analogue. Ils projettent également d'augmenter la
quantité d'ammoniaque sur la
trajectoire du laser et d'améliorer la stabilité de ce dernier, ce qui devrait permettre d'enregistrer plus de données dans un temps plus court.