Noyaux instables: l'interaction proton-neutron mise à l'épreuve

Publié par Michel,
Source: CNRS-IN2P3Autres langues:
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L'étude au GANIL du noyau très riche en neutrons de fluor-26 (Z=9, N=17) a permis d'étudier le comportement des forces nucléaires à la limite de liaison nucléaire. Les résultats publiés dans le journal Physical Review Letters montrent que l'interaction entre protons et neutrons de valence est réduite dans ce noyau d'environ 20% par rapport à celle qui prévaut dans les noyaux stables. Cette découverte permet de donner un point d'ancrage aux modèles théoriques qui sont utilisés pour comprendre la synthèse de la moitié des "éléments lourds" dans l'univers.

L'étude de noyaux éloignés de la vallée de stabilité nucléaire a permis ces dernières années de sonder des propriétés des forces nucléaires jusqu'ici inconnues du fait, par exemple, de ce que protons et neutrons occupent des combinaisons d'orbitales jamais explorées pour les noyaux stables. Une des conséquences majeures des modifications de l'interaction entre nucléons est la disparition de certaines fermetures de couches nucléaires (et par conséquent de nombres magiques) au profit de nouvelles. Plus récemment encore, une expérience réalisée au GANIL a levé le voile sur un autre aspect des forces nucléaires, en montrant qu'elles subsistent à la limite de liaison nucléaire.

Le noyau de 26F constitue un mini laboratoire idéal pour tester l'intensité des forces nucléaires dans un cas extrême d'asymétrie de liaison entre protons et neutrons. En effet contrairement aux noyaux stables pour lesquels les énergies de liaison des protons et des neutrons de valence sont similaires, le 26F peut être modélisé comme un cœur de 24O relativement inerte, auquel sont ajoutés un proton lié par -15MeV (formant alors le 25F) et un neutron non lié par +0.7MeV (formant alors le noyau de 25O). Alors que la fonction d'onde du proton célibataire est bien confinée à l'intérieur du noyau atomique, celle du neutron célibataire s'étend hors du noyau, et n'est contrainte que par la seule la barrière centrifuge. Le recouvrement spatial entre ce proton très confiné dans le noyau, et ce neutron plus enclin à en sortir devrait donner une interaction proton-neutron plus faible que d'ordinaire. Pour le prouver et pour quantifier cette réduction, il a été nécessaire de produire le noyau de 26F et de mesurer les énergies de liaison de quatre de ses états (J=1-4) issus des interactions entre protons et neutrons de valence ayant une orientation spatiale et en spin différentes.

Pas moins de quatre techniques expérimentales différentes ont été mises en oeuvre pour caractériser ces états, un record dans le domaine de la structure nucléaire. Trois de ces états ont été étudiés au GANIL, et cerise sur un gâteau déjà copieux, celui découvert récemment au GANIL (état J =4) est un isomère. Il vit environ 2ms, une durée suffisamment longue pour pouvoir l'étudier en laboratoire. La comparaison de l'énergie de liaison des 4 états identifiés (depuis état fondamental J=1 lié par -0.8 MeV, jusque l'état J=3 non lié par +0.6 MeV) avec des modèles théoriques montre une diminution de l'interaction proton-neutron d'environ 20% dans ce noyau. C'est une diminution importante dont il faudra tenir compte pour modéliser le processus rapide de capture de neutron (processus r) qui flirte avec la limite de liaison nucléaire pour produire dans certaines supernovae ou dans des étoiles à neutrons en accrétion la moitié des éléments lourds dans l'univers.

Si cette interaction nucléaire dans le 26F est plus faible de 20% par rapport à la normale, les forces nucléaires recèlent tout de même une surprise de taille. En effet, alors que le 25O est non lié, l'ajout d'un seul proton permet de lier pas moins de 6 neutrons pour former le 31F, l'isotope du fluor le plus riche en neutrons à être lié. Par contre, les isotopes de 28F et 30F ne sont pas liés. Il reste donc des mystères à élucider à la frontière ténue entre le noyau atomique et son continuum d'états quantiques non liés.
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