Grâce à des nanoparticules chauffées par induction magnétique, Bruno Chaudret, au Laboratoire de Physique et Chimie des Nano-Objets1, à Toulouse, propose un procédé original pour la synthèse de méthane à partir de dioxyde de carbone.
Des bouteilles contenant différents réactifs gazeux, un réacteur en verre enchâssé dans une bobine magnétique directement relié à un chromatographe en phase gazeuse et un spectromètre de masse, le tout piloté par un ordinateur... "Désormais, nous allons pouvoir passer à la phase d'optimisation", s'enthousiasme Bruno Chaudret, porteur du projet CATMAG, lauréat du premier programme d'incitation à l'innovation du CNRS piloté par l'INP. Objectif: mettre sur la voie de l'industrialisation un nouveau procédé de catalyse à base de nanoparticules chauffées par induction magnétique, dans le but de stocker des énergies renouvelables intermittentes sous la forme de méthane synthétisé à partir de dioxyde de carbone.
De façon amusante, lorsque, 25 ans plus tôt, le chimiste se lance dans l'art de façonner des nano-objets organométalliques en solution, il n'est nullement question d'applications. "L'enjeu, purement fondamental, était alors de parvenir à contrôler des réactions chimiques à une échelle jusqu'alors jamais explorée", se souvient-il.
Mais au début des années 2000, Bruno Chaudret entrevoit ainsi la possibilité de façonner des nanoparticules magnétiques pour des applications, notamment en biologie. "Placées dans un champ magnétique, ces particules ont la propriété de chauffer considérablement. Ainsi, nous pensions, par exemple, les utiliser pour tuer des cellules cancéreuses", explique le scientifique.
L'astuce ? Avoir imaginé un procédé pour contourner le problème d'oxydation de la surface de ces nano-objets en les habillant d'une coquille de carbure de fer. Le succès est tel que le chercheur parvient à une formulation permettant d'obtenir une production de chaleur plus de 10 fois supérieure à l'existant.
D'où finalement l'idée d'utiliser ces particules pour la catalyse de réactions chimiques sans avoir à chauffer l'ensemble du milieu réactionnel. Conséquence: une synthèse à moindre coût, mais également ultra flexible en matière d'utilisation, car une milliseconde suffit à chauffer les particules en présence d'un champ magnétique.
Deux brevets plus tard, la technologie développée par Bruno Chaudret est donc entrée en phase préindustrielle en collaboration avec la plateforme LEAF2, équipement d'excellence pour l'électronique flexible. Précisément, l'entreprise envisage, à échéance de quelques années, de commercialiser de petites installations capables de fournir du méthane à partir de l'énergie solaire, là où le gaz de ville n'est pas accessible. "On ne va pas sauver la planète, juge modestement Bruno Chaudret. Mais il n'est pas exclu que cela marche !"