De nouvelles données sur la photosynthèse et la respiration permettront d'améliorer les modèles. Deux récentes études internationales devraient changer la façon dont les scientifiques considèrent la relation cruciale qui existe entre le climat de la Terre et le cycle du carbone. Les scientifiques ont abordé la rapidité de la photosynthèse et de la respiration de la planète, c'est-à-dire les va-et-vient du gaz carbonique avec l'atmosphère, et ils indiquent que leurs résultats serviront à mettre à jour et à améliorer les modèles traditionnels qui impliquent le carbone et le climat. Les deux études ont été publiées en ligne par la revue Science sur le site de Science Express le lundi 5 juillet.
Christian Beer de l'Institut Max Planck de Biogéochimie à Jena, en Allemagne, avec ses collègues de 10 autres pays dans le monde, ont d'abord considéré la Production primaire brute de la Terre (PPP) qui représente la quantité totale de dioxyde de carbone que les plantes terrestres absorbent chaque année par la photosynthèse. Une nouvelle association d'observations et de modélisations leur a permis d'estimer à 123 milliards de tonnes la quantité totale de gaz carbonique absorbée par les plantes terrestres chaque année.
Ensuite, Miguel Mahecha, également de l'Institut Max Planck de Biogéochimie, et une équipe internationale de chercheurs, ont mis un terme à un long débat sur les effets des variations à court terme de la température de l'air sur la respiration des écosystèmes, autrement dit le rejet de gaz carbonique dans l'atmosphère par la Terre. Ils montrent que la sensibilité de la respiration des écosystèmes à ces variations est similaire sur toute la planète. Les chercheurs suggèrent aussi que d'autres facteurs que la température, tels que les lentes transformations du carbone dans les sols et la présence d'eau, jouent un rôle déterminant dans l'équilibre à long terme en carbone des écosystèmes.
L'ensemble de ces résultats apporte un nouvel éclairage sur le cycle global du carbone provenant de l'atmosphère ou y retournant, et sur la manière dont ces phénomènes se combinent avec le climat en constant changement de notre planète. Les chercheurs ont étudié une foule de données sur le climat et le carbone du monde entier et notent que leurs résultats devraient permettre d'améliorer la validité des modèles prédictifs, tout en aidant à résoudre la manière dont le changement climatique peut affecter à l'avenir le cycle du carbone et notre planète.
"La compréhension des facteurs déterminant le PPP des divers écosystèmes terrestres est importante parce que nous, les humains, nous servons de nombre de services apportés par les écosystèmes tels que le bois, les fibres ou la nourriture" relève Beer. "De plus, cette compréhension est importante dans le contexte du changement climatique qui résulte des émissions de gaz carbonique issus de la combustion des énergies fossiles car la végétation module fortement les échanges de gaz à effet de serre, d'eau et de dioxyde de carbone entre les sols et l'atmosphère..."
Dans leur article, Beer et ses collègues ont rassemblé une grande quantité de données issues de FLUXNET, une initiative internationale lancée il y a plus de 10 ans pour suivre les échanges de carbone entre les écosystèmes terrestres et l'atmosphère. Celle-ci comprenait des mesures à distance et des données climatiques du monde entier qui ont été réunies pour calculer la distribution spatiale de la PPP moyenne annuelle entre 1998 et 2006.
Les chercheurs soulignent le fait que l'absorption de gaz carbonique est plus prononcée dans les forêts tropicales de la planète, responsables de 34 pour cent de l'absorption du gaz de l'atmosphère. Les savanes sont ensuite responsables de 26 pour cent de l'absorption globale, bien que les chercheurs notent qu'elles occupent deux fois plus de surfaces que les forêts tropicales.
Les précipitations jouent aussi un rôle significatif dans l'absorption primaire globale de gaz carbonique ont également découvert les chercheurs. Ils suggèrent que les pluies ont une influence non négligeable sur la quantité de carbone que les plantes utilisent pour la photosynthèse sur plus de 40 pour cent de la couverture végétale, ce qui marque l'importance de l'eau pour la sécurité alimentaire. Selon cette étude, les modèles climatiques présentent souvent de grandes variations, certains surestimant l'influence des pluies sur l'absorption de gaz carbonique par la planète.
"Nous avons franchi une étape avec ce travail qui utilise beaucoup de données de FLUXNET, en plus des mesures à distance et d'une réanalyse du climat" dit Beer. "Avec notre estimation du PPP global, nous pouvons faire deux choses, comparer nos résultats avec les modèles des phénomènes [des systèmes terrestres] et pousser plus loin l'analyse de la corrélation entre PPP et climat."
Dans la seconde étude, Mahecha et son équipe de chercheurs se sont aussi appuyés sur la collaboration globale engagée au travers du réseau FLUXNET pour leur étude de la sensibilité des écosystèmes à la température de l'air. Après avoir compilé et analysé les données de 60 sites différents de FLUXNET, les chercheurs ont trouvé que la sensibilité respiratoire à la température des écosystèmes terrestres, mentionnée d'habitude sous le terme Q10, est en fait très stable, et que la valeur de Q10 est indépendante de la température locale moyenne et des conditions spécifiques des écosystèmes.
Pendant des années, les spécialistes ont débattu de l'effet que pouvait avoir la température de l'air sur la respiration du globe ou l'ensemble des processus métaboliques des organismes dégageant du gaz carbonique dans l'atmosphère terrestre. La plupart des études empiriques laissaient penser que cette respiration des écosystèmes de la planète était très sensible à la température, contrairement à ce que suggéraient la majorité des modèles prédictifs. Des scientifiques avançaient que les températures de l'air pouvaient augmenter en raison de la présence du gaz carbonique issu de la combustion des énergies fossiles. Les nouveaux résultats indiquent cependant que la sensibilité à la température du rejet naturel de gaz carbonique par les écosystèmes a été surestimée et devrait être réévaluée.
Cette dernière étude, en mettant fin à la controverse, montre que les précédentes études sur le terrain n'avaient pas réussi à discerner des phénomènes se produisant sur des échelles de temps différentes. Mahecha et son équipe ont abordé 60 écosystèmes différents sur exactement la même échelle de temps pour arriver à définir une moyenne globale du Q10 de 1,4. Leur nouvelle valeur standard pour la sensibilité des divers écosystèmes à la température de l'air suggère une rétroaction à court terme du carbone sur le climat moindre que ce que l'on estimait.
"Le résultat clé de notre étude est que la sensibilité court terme de la respiration des écosystèmes aux variations de la température de l'air converge vers une seule valeur globale" précise Mahecha. "Contrairement aux précédentes études, nous montrons que cette sensibilité semble indépendante des facteurs externes et constante à travers les écosystèmes. En d'autres termes, nous avons trouvé une relation générale entre les variations de température et la respiration des écosystèmes... Nos résultats permettent ainsi de réconcilier les contradictions apparentes entre études de terrain et modélisations."
A l'avenir, ces deux études devraient aider à faire de meilleures prédictions sur la manière dont le réchauffement climatique affectera les échanges de carbone entre les écosystèmes et vice-versa. Elles fourniront aux scientifiques des outils importants pour mieux comprendre les écosystèmes mondiaux et comment ils continueront d'être influencés et modifiés par notre espèce.