Oui et non, selon un sociologue de L'université Concordia de Montréal qui examine les rôles changeants des hommes dans la société.
"Sois un homme, un vrai!". Voilà une expression particulièrement connotée dans notre société selon Anthony Synnott, professeur au Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Concordia et auteur de Re-Thinking Men: Heroes, Villains and Victims (Ashgate), dans lequel il analyse les rôles de plus en plus déconcertants que les hommes doivent assumer dans la société contemporaine.
Dans cet ouvrage, fruit de dix années de recherche, Anthony Synnott décrit l'érosion du modèle du gagne-pain masculin et la fin de la domination masculine dans pratiquement toutes les catégories professionnelles. Mais à quel moment le rôle traditionnel des hommes a-t-il basculé?
"L'invention de la pilule contraceptive est sans doute le phénomène qui a eu le plus d'impact sur la définition de la masculinité, explique le chercheur. Avant la pilule, les hommes étaient les principaux pourvoyeurs de la famille et durant les première et seconde guerres mondiales, les protecteurs de leurs pays. Les hommes étaient aussi les détenteurs du pouvoir politique et économique, malgré l'adoption du suffrage universel au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni."
Pour Anthony Synnott, la pilule contraceptive, qui vient de fêter son cinquantenaire, a facilité un certain nombre de changements sociétaux: effondrement des taux de natalité; augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail; modification de l'équilibre du pouvoir économique avec l'indépendance économique des femmes; augmentation du taux de divorces; mouvement féministe depuis 1968; politisation accrue des femmes; augmentation du nombre de femmes inscrites à l'université (avec atteinte de la parité au niveau du baccalauréat en 1975).
"Tous ces phénomènes ont eu pour effet de modifier la répartition des catégories professionnelles entre les sexes et la répartition des revenus", explique le professeur Synnott.
Des préjugés anti-hommes
L'ouvrage se penche également sur les préjugés contre les hommes qui ne cessent d'augmenter. Depuis les années 1970, le professeur Synnott constate qu'il est devenu acceptable dans la société occidentale d'exprimer son aversion pour les hommes, c'est-à-dire sa misandrie (l'équivalent de la misogynie appliquée aux hommes). Une tendance largement alimenté par la télévision où les émissions dans lesquelles les hommes sont méprisés sont légion, selon le chercheur.
Sans parler des pare-chocs de voiture arborant des autocollants sur lesquels on peut lire "Tant d'hommes, si peu de munitions" ou des T-shirts affichant des slogans du type "Les garçons sont des cons, jetez-leur des pierres". Cette misandrie systémique coûte cher, tant au plan individuel que sociétal, et le professeur Synnott poursuit ses travaux pour préciser son rôle dans le suicide masculin.
Mortalité prématurée
L'ouvrage d'Anthony Synnott se penche également sur les disparités entre les taux de mortalité masculins et féminins, dont les statistiques sont particulièrement convaincantes: les deux-tiers des décès accidentels mettent en cause des hommes, que ce soit au travail, en voiture, en bicyclette ou en traversant la rue. La proportion des hommes sans abri, toxicomanes ou incarcérés est également sans commune mesure avec celle des femmes.
Chaque année, près de 9 000 hommes succombent de mort violente au Canada, victimes la plupart du temps d'autres hommes. Ceux-ci représentent par ailleurs 99 % des victimes militaires de la mission canadienne en Afghanistan, 73 % des victimes d'homicides, 77 % des cas de suicide et plus de 90 % des accidentés du travail, ainsi que la grande majorité des sans-abri. "Voilà qui donne des hommes une image différente de victimes", explique le professeur Synnott.
Héros, méchants, victimes
La perception de l'homme moderne continue d'être remise en question au XXIe siècle insiste Anthony Synnott. "La tragédie du 11 septembre a été un véritable tournant à ce chapitre; 403 membres des forces de police et des pompiers de New York, essentiellement de sexe masculin, ont sacrifié leur vie pour sauver de parfaits inconnus. Ils ont fait preuve d'un incroyable héroïsme."
"Avec l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, les hommes ont une fois de plus été définis sur un mode héroïque, poursuit-il. Aujourd'hui, les hommes ne sont plus seulement méchants, ce sont aussi parfois des victimes et des héros."