Fin de la Terre boule de neige: quel rôle pour le méthane ?

Publié par Michel,
Source: CNRS-INSUAutres langues:
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L'existence de dépôts glaciaires caractéristiques, retrouvés à plusieurs endroits du globe aux basses latitudes, nous indiquent qu'il y a 635 millions d'années (époque Marinoene), les calottes polaires auraient atteint l'équateur, c'est la théorie de la "Terre boule de neige". Depuis, de telles glaciations extrêmes ne se sont pas reproduites, ce qui a permis le développement de formes de vie de plus en plus évoluées. Une des hypothèses invoquées pour expliquer la fin de cette "Terre boule de neige" (et donc une déglaciation) est le relargage de méthane dans l'atmosphère, provenant de la déstabilisation de clathrate (hydrates de méthane) des sédiments océaniques ou du permafrost. La seule preuve géologique derrière cette hypothèse était l'existence de veines de calcite pauvres en 13C (le méthane étant en effet pauvre en 13C) dans les dolomites de Chine qui surmontent les dépôts glaciaires. Les travaux d'une équipe de chercheurs français et américains montrent que ces veines de calcites se sont formées bien après la fin de l'âge glaciaire et sont dues à une activité hydrothermale. Si le méthane a eu le rôle que certains lui imputent pour la sortie de la Terre boule de Neige, alors il n'aurait pas laissé de trace. Une étude parue dans la revue Nature.


Echantillons collectés au milieu de la cap-dolomite de Huajipo

©F. Bristow et al.
Au-dessus des dépôts glaciaires qui témoignent de l'existence d'une ancienne calotte glaciaire, et donc plus récents que l'âge de glace Marinoen, on observe des piles épaisses de carbonates marins à composition dolomitique, appelées cap-dolomies. Ces cap-dolomies contiennent des structures sédimentaires énigmatiques et des compositions isotopiques, du carbone et du soufre en particulier, qui ont été interprétées comme résultants de changements climatiques associés à la déglaciation.

Si l'existence de changements environnementaux à la surface de la Terre au cours de son histoire est aujourd'hui reconnue par l'ensemble des scientifiques, leurs causes, rôles, durées et ampleurs restent très controversés. Les moteurs proposés pour le réchauffement climatique extrême qui a suivi cette dernière très grande glaciation sont: l'accumulation du CO2 volcanique dans l'atmosphère pendant la glaciation, augmentant ainsi l'effet de serre ; la diminution de la quantité d'énergie solaire réfléchie par la glace (l'albédo de la glace) lors de la déglaciation ; ou encore le relargage de méthane via la déstabilisation des chlatrates (hydrates de méthane). Le méthane est un gaz à effet de serre puissant, son relargage est un mécanisme capable d'amplifier le réchauffement climatique qui a déjà été invoqué plusieurs fois pour expliquer certaines grandes variations climatiques au cours des temps géologiques.

Un argument clé en faveur du rôle du méthane dans le réchauffement extrême nécessaire pour sortir de l'état de Terre "boule de neige" à l'époque Marinoenne repose principalement sur la présence de ciments carbonatées présentant des rapports isotopiques en carbone 13C/12C exceptionnellement bas dans les cap-dolomies de Chine du Sud à Doushantuo (juste au-dessus des dépôts glaciaires). Ces rapports 13C/12C ont été interprétés comme résultant de l'oxydation de méthane (lui-même généré par la déstabilisation d'hydrates de méthane durant la déglaciation) au moment de la déposition des cap-dolomies.

Grâce notamment à l'utilisation d'un nouveau paléo-thermomètre (le ?47) *, les auteurs de l'article ont montré que, contrairement à ce qui avait été suggéré auparavant, les ciments carbonatés portant les rapports 13C/12C très bas n'étaient pas contemporains des cap-dolomies déposés au cours de l'épisode de déglaciation mais postérieurs, écartant ainsi la seule preuve géologique du rôle du méthane dans la sortie de la dernière Terre "boule de neige". En effet, ces ciments seraient dus à un épisode hydrothermal datant de plusieurs millions d'années après la déglaciation elle-même. Leurs rapports 13C/12C très bas s'expliquent par l'oxydation du méthane généré par la maturation thermique de la matière organique en profondeur, qui aurait ensuite migré dans les cap-dolomies à la faveur d'un fluide hydrothermal.

Pour en savoir plus


L'estimation des températures de formation des roches et minéraux est une question pérenne et très importante en Sciences de la Terre. En ce qui concerne les roches sédimentaires, les tentatives de réponses à cette grande question sont souvent basées sur des paléo-thermomètres empiriques ou semi-quantitatifs. Une des approches historiques, et l'une des plus quantitatives à ce jour, est l'utilisation des rapports isotopiques de l'oxygène 18O/16O des roches. Les rapports 18O/16O des roches dépendent effectivement de la température de formation de la roche, mais également du rapport 18O/16O du fluide à partir duquel elle s'est formée. Or, ce fluide a généralement disparu (ce qui nécessite de faire des hypothèses sur sa composition 18O/16O) compliquant ainsi les interprétations.

Récemment, un nouveau thermomètre quantitatif ne nécessitant pas de faire une telle hypothèse a vu le jour grâce à un groupe de chercheurs auquel Magali Bonifacie a contribué lors de son post-doctorat au Caltech. Ce thermomètre, appelé le ?47, est basé sur l'association des isotopes 13C-18O dans les carbonates, et permet d'obtenir avec précision la température de formation de ce carbonate indépendamment de la composition du fluide à partir duquel ce carbonate s'est formé ou a interagit. Mieux encore, il est désormais possible de reconstituer la composition 18O/16O de ce fluide ; une information importante qui était jusqu'à présent presque impossible à obtenir. Ce thermomètre est désormais développé à l'Institut de Physique du Globe de Paris.


Référence:

A hydrothermal origin for isotopically anomalous cap dolostone cements from south China Thomas F. Bristow1{, Magali Bonifacie1,2, Arkadiusz Derkowski3, John M. Eiler1 & John P. Grotzinger1 - Nature (2011) doi:10.1038/nature10096 publié en ligne le 25 May 2011
1-Division of Geological and Planetary Sciences, California Institute of Technology, USA
2-Equipe de Géochimie des Isotopes Stables, Institut de Physique du Globe de Paris (CNRS-INSU, Univ. Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité)
3-Institute of Geological Sciences, Polish Academy of Sciences, Senacka 1, Pologne
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