Une équipe de l'Inra a mis en évidence deux mécanismes distincts de contrôle de la croissance des bactéries en forme de bâtonnet. Publiés dans Nature Communications le 7 juin 2017, ces travaux affinent nos connaissances sur la synthèse de la
paroi bactérienne, cible privilégiée des antibiotiques. A plus long terme, ils ouvrent des perspectives vers de nouvelles stratégies pour inhiber la
croissance bactérienne.
Les bactéries utilisent différents mécanismes pour ordonner et coordonner la synthèse de leur paroi, principale ligne de défense contre leur environnement. Celle-ci forme une enveloppe protectrice essentielle à la survie des bactéries et leur confère leur forme et leur rigidité. La moitié des antibiotiques découverts (par exemple les beta-lactamines comme les pénicillines ou l'amoxicilline) ciblent directement ou indirectement les processus de synthèse de cette paroi car elle est unique aux bactéries et absente dans les cellules animales. Tant sa structure que sa synthèse demeurent largement méconnus des scientifiques et font l'objet de nombreux travaux de recherche.
Des chercheurs de l'Inra étudient une famille de protéines bactériennes - les protéines de type MreB - cousines de l'actine humaine responsable des mouvements de nos cellules ou encore de la contraction musculaire. Chez les bactéries en forme de bâtonnet (ou bacilles), ces protéines de type MreB agissent comme des chefs d'orchestre de la synthèse de la paroi bactérienne en coordonnant de multiples machines moléculaires, véritables usines de fabrication de la paroi. Les scientifiques de l'Inra avaient déjà mis en évidence les propriétés dynamiques de ces protéines MreB
(1). Aujourd'hui, grâce à des techniques perfectionnées de
microscopie à
fluorescence, la même équipe fait un pas de plus dans la compréhension des mécanismes de synthèse de la paroi bactérienne chez les bacilles.
Chez deux bactéries modèles: Escherichia coli (colibacille du tractus intestinal responsable, entre autres, d'infections alimentaires) et Bacillus subtilis (une
bactérie du sol productrice naturelle d'antibiotiques), les chercheurs ont comparé la capacité de production de la paroi en fonction de la vitesse de croissance. Ils ont constaté que les deux bactéries ont développé deux méthodes distinctes de
contrôle de la synthèse de la paroi, permettant d'augmenter les cadences de production quand elles poussent plus rapidement. Chez B. subtilis les machineries de synthèse (dirigées par les protéines MreB) se déplacent plus vite pour couvrir l'
ensemble de la surface à synthétiser tandis que chez E. coli, c'est principalement la
quantité de paroi délivrée par ces machines qui s'accroît. Or, ces deux modèles possèdent des parois dont la structure est fondamentalement
différente (fine chez E. coli et épaisse chez B. subtilis) sans que l'on sache comment sont générées ces différences. Ces nouvelles
observations nous livrent donc des pistes pour expliquer l'origine de ces différences et comment se forment l'une et l'autre de ces structures.
Ces travaux affinent notre compréhension des mécanismes de contrôle de la synthèse de la paroi et visent à établir un modèle permettant de décrire comment ces structures complexes s'assemblent. In fine, il s'agit de prédire leur comportement lors de perturbations comme par exemple en présence d'antibiotiques.
Note:
(1) Publication dans Science: Dominguez-Escobar et al., 2011, Doi: 10.1126/Science.1203466
Contact scientifique:
Rut Carballido-López ,Unité MICrobiologie de l'ALImentation au service de la Santé (Inra)
Référence publication:
Cyrille Billaudeau, Arnaud Chastanet, Zhizhong Yao, Charlène Cornilleau, Nicolas Mirouze, Vincent Fromion and Rut Carballido-López. Contrasting mechanisms of growth in two model rod-shaped bacteria. Nature Communications, 7 Juin 2017.
doi:10.1038/ncomms15370