Des chercheurs du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP ? CNRS/IRD/CNES/UT3 Paul Sabatier) et de l'Instituto de Astronomia, Geofísica e Ciências Atmosféricas (IAG) de l'Université de São Paulo viennent de démontrer que la composition isotopique en oxygène des océans néoprotérozoïques (ici environ 760 million d'années) était similaire à celle des océans actuels. Ce résultat combiné aux paléo-thermomètres existants confirmerait l'hypothèse que les océans anciens étaient plus chauds qu'actuellement. Cette étude est publiée dans la revue Nature Communications, le 13 avril 2018.
Les océans anciens étaient-ils plus chauds que les océans modernes ? Voici une question qui fait encore débat dans la communauté scientifique. L'estimation des paléotempératures des océans anciens repose aujourd'hui sur les compositions isotopiques d'archives sédimentaires telles que les carbonates ou les cherts (silex). Une donnée indispensable à ces calculs de paléotempératures est la composition isotopique en oxygène de l'eau de mer elle-même. Cependant, cette dernière est jusqu'ici très mal contrainte pour les temps anciens.
Les scientifiques ont mis en évidence les vestiges d'une activité hydrothermale sous-marine dans des fragments de lithosphère océanique âgée de 760 Ma affleurant dans l'Anti-Atlas marocain. Parmi ces vestiges, des veines de magnétite massives, oxyde de fer précipité à partir d'un fluide hydrothermal dérivé d'eau de mer, constituent une archive isotopique exceptionnelle pour la composition isotopique en oxygène des océans il y a 760 Ma. Les analyses réalisées sur ces veines de magnétite indiquent que l'eau de mer impliquée dans leur genèse avait une composition isotopique en oxygène identique à l'actuelle.
La composition isotopique en oxygène des sédiments océaniques (notamment des carbonates et des cherts) évolue au cours du temps et le fractionnement isotopique carbonates ou silice / eau de mer dépend de la température. Il est alors possible d'avancer au vu de ce résultat que les océans terrestres étaient probablement 15 à 30 °C plus chauds que les océans actuels il y a 760 Ma. En effet, avec une composition isotopique en oxygène des océans constante au cours des temps géologiques, les différences de fractionnement isotopique entre l'eau de mer et les carbonates ou les cherts, utilisés comme paléo-thermomètres sédimentaires, pourraient refléter un refroidissement des océans au cours du temps. Ces températures élevées sont à intégrer dans notre compréhension des glaciations globales (Terre-boule-de-neige, Snowball Earth) et du début de la diversification de la vie.
Référence publication:
Fossil black smoker yields oxygen isotopic composition of Neoproterozoic seawater, F. Hodel, M. Macouin, R.I.F. Trindade, A. Triantafyllou, J. Ganne, V. Chavagnac, J. Berger, M. Rospabé, C. Destrigneville, J. Carlut, N. Ennih & P. Agrinier, Nature Communications