L'Antarctique est-il un continent vierge ?

Publié par Adrien,
Source: Jean Hamann - Université LavalAutres langues:
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En Antarctique, l'occupation d'un camp de six personnes pendant dix jours générerait une charge microbienne qui représente jusqu'à 10% de la population microbienne qui se trouve naturellement dans le sol environnant.
Des chercheurs s'inquiètent de la contamination microbiologique grandissante de ce continent.

L'Antarctique est un grand laboratoire international à ciel ouvert dont l'intégrité biologique est de plus en plus menacée. C'est ce que constate un groupe d'experts, dont fait partie le professeur Warwick Vincent, du Département de biologie et du Centre d'études nordiques, dans un récent numéro de la revue Trends in Microbiology. Les experts s'inquiètent tout particulièrement de l'introduction de microbes qui pourraient perturber les conditions naturelles qui prévalent sur ce continent consacré à la recherche. La contamination microbiologique de l'Antarctique n'a pas encore atteint des niveaux inquiétants, mais les experts suggèrent d'envisager dès maintenant la création d'aires dont l'accès serait régi par des mesures limitant à l'extrême l'introduction de microbes non indigènes.

La présence humaine en Antarctique date de plus de 190 ans. Aujourd'hui, les scientifiques et les touristes ont remplacé les baleiniers, les chasseurs de phoques et les pêcheurs d'antan, mais ils apportent tout de même leur lot de microorganismes. On estime qu'environ 4000 chercheurs d'une trentaine de pays se rendent chaque année dans les stations de recherche de l'Antarctique et les touristes seraient encore plus nombreux. Toutefois, comme les chercheurs y séjournent plus longtemps, leur impact serait plus grand.

L'introduction d'espèces compromet le caractère vierge de l'Antarctique et la validité de certains travaux de recherche qui y sont menés. Des mesures ont été prises pour prévenir l'introduction d'animaux et de plantes, mais presque rien n'a été fait pour les microbes. Pourtant, l'occupation d'un camp de 50 mètres carrés par six personnes pendant dix jours générerait une charge microbienne qui représente jusqu'à 10% de la population microbienne qui se trouve naturellement dans le sol environnant.

Le problème viendrait essentiellement des microbes transportés par les humains, sur leur peau, leurs vêtements ou leurs équipements. Ainsi, la peau d'un être humain abrite, en moyenne, une population de 1000 milliards de microorganismes. Comme l'épiderme se renouvelle complètement en 28 jours, les chercheurs estiment que chaque personne libère au minimum 1 milliard de microbes chaque jour dans l'environnement par simple desquamation. "C'est peu sur le plan de la biomasse, mais les répercussions sur l'intégrité génétique des espèces indigènes risquent d'être plus importantes", soulignent les auteurs de l'article. En effet, les bactéries disposent de plusieurs mécanismes pour échanger du matériel génétique avec leurs semblables. Par ailleurs, l'introduction de bactériophages, des virus qui utilisent les bactéries pour se reproduire, peut modifier la biodiversité des bactéries naturellement présentes dans un environnement.

Les chercheurs n'agitent pas la sonnette d'alarme pour autant. Les conséquences de la présence humaine en Antarctique sont essentiellement limitées aux camps qu'ils occupent et aux sites visités par les touristes. Jusqu'à présent, le froid a constitué un rempart efficace contre la prolifération des microorganismes apportés par l'homme. Toutefois, le risque de contamination microbienne et d'homogénéisation génétique va augmenter avec l'accroissement de la présence humaine dans l'Antarctique, estiment les sept experts. C'est pourquoi ils proposent de créer des zones de conservation extrême où seuls les chercheurs s'étant pliés à des règles strictes de décontamination pourraient s'engager. À défaut de quoi la validité des études en écologie moléculaire réalisées en Antarctique pourrait être compromise.
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