L'aventure des interfaces graphiques (partie 6)

Publié par jyb,
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Nous sommes toujours à la charnière des années 70 et 80, les ordinateurs font enfin leur apparition sur les bureaux de nombreuses entreprises. Il faut dire que l'évolution technologique et le prix des ordinateurs les rendent plus utilisables. Dorénavant, un ordinateur type est équipé d'un écran et d'un clavier, son utilisateur peut directement utiliser la machine sans passer par des cartes ou des bandes perforées !

L'informatique évolue, la souris aussi. En Suisse, en 1979, à l'EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausane), le professeur Jean-Daniel Nicoud améliore la souris en remplaçant les roues dentées par une boule et des capteurs. Les souris vendues avec les ordinateurs des années 80 et 90 reprendront ce système.


Apple: la petite pomme qui monte

Entre la fin des années 70 et le début des années 80, de nombreuses marques d'ordinateurs voient le jour. Parmi elles, Apple commercialise un petit ordinateur pour un prix modique pour l'époque: l'Apple 2. Cet ordinateur va devenir la coqueluche de nombreux étudiants ainsi qu'un outil très utilisé en entreprise. Cependant, Steve Jobs souhaite remplacer la série d'ordinateurs initié par son associé, Steve Wozniak.

En 1979, trois projets d'ordinateurs sont donc à l'étude au sein du constructeur: Sara, Lisa et Macintosh. Sara est le nom de code du remplaçant de l'Apple II. Commercialisé sous le nom d'Apple III et dépourvu de ventilateur pour le confort des utilisateurs, la machine rencontrera de nombreux problèmes de fiabilité et sera le premier échec de la marque. Lisa et Macintosh sont destinés à être des ordinateurs d'un genre nouveau.

C'est au début de ces projets que Steve Jobs et certaines de ses équipes visitent durant trois jours les laboratoires PARC de Xerox. Jobs est alors très impressionné par ce qu'il découvre. Il est surtout très intéressé par l'éditeur de texte Bravo et Gypsy, le premier éditeur dont la mise en forme est directement éditable à l'écran. Il est tellement impressionné qu'Apple va embaucher les mois suivants certains chercheurs du laboratoire dont une pointure, Larry Tesler, qui a participé à la création de ces éditeurs de textes. Ce dernier est surtout heureux de voir enfin un industriel s'intéresser sérieusement aux recherches menées au Xerox PARC. C'est à ce moment qu'il est décidé que les deux futurs modèles phares d'Apple, le Lisa et le Macintosh, seront pilotés par une interface graphique.

Apple Lisa

Ces deux projets sont avant tout complémentaires: l'Apple Lisa doit être un puissant ordinateur haut de gamme apportant de nombreuses innovations technologiques. Le Macintosh doit être accessible d'un point de vue économique et ergonomique. Cette répartition des rôles transparaît aussi dans la dénomination des deux machines. Lisa est ainsi l'acronyme de "Local Integrated Software Architecture" alors que le Macintosh est tout simplement le nom d'une variété de pomme. Cependant, il est à noter que Lisa est aussi le prénom de la fille de Steve Jobs.

Bien que conçus en même temps, et devant bénéficier de certains points communs, le deux ordinateurs sont développés par deux équipes séparées. Au début, les principales attentions se portent sur le Lisa qui est destiné à être le produit phare d'Apple. C'est notamment sur le Lisa qu'est développée la fameuse interface graphique. Si les ingénieurs d'Apple s'inspirent des travaux du Xerox PARC dont une partie d'entre eux sont issus, ils apportent nombre de modifications.

Le Chord Keyset disparaît

Le Chord Keyset du NLS disparaît pour de bon. Le petit clavier à cinq touches cher au professeur Engelbart était encore présent sur le Xerox Alto. Trop complexe à manier, il n'est pas non plus repris sur le Xerox Star

La souris n'a plus qu'un seul bouton !

La souris reprend le principe de la boule roulante, elle perd deux boutons pour n'en conserver qu'un seul, la rendant plus simple d'utilisation. Cependant, dans certains cas, notamment pour gérer les icônes, il apparaît nécessaire de différencier le clic de sélection du clic de lancement de l'application attachée à l'icône. La solution trouvée est devenue un geste quotidien de tout utilisateur: le double-clic !

La barre menu fait son apparition

Certes le Xerox Alto pose dès 1973 de nombreuses bases à l'organisation d'une interface graphique: bureau virtuel, fenêtres dynamiques, icônes... Cependant, Apple va apporter une organisation plus structurée. La barre de titres ne gère que la fenêtre et ne contient plus de boutons/menu de l'application. La barre de menu et des panels d'icônes sont ajoutés et regroupent les fonctionnalités des applications.


Dès le début du projet, les ingénieurs s'orientent vers le principe de barres pour regrouper des fonctions. Ici, une proposition d'interface de 1979

La barre des tâches est expérimentée

Lors de la conception du Lisa, les développeurs imaginent un système où les fenêtres réduites seraient regroupées en bas de l'écran, sous la forme d'onglets. Finalement, le Lisa adoptera un système où les fenêtres réduites deviennent de simples icônes sur le bureau virtuel. Mais l'idée des onglets regroupés sur un bord de l'écran sera reprise par d'autres systèmes d'exploitation.


Lors de l'année 1980, l'interface évolue et se perfectionne, plusieurs systèmes de réduction de fenêtres sont expérimentés.

Un ordinateur avec une suite complète de logiciels

Le Lisa est aussi un ordinateur "prêt à l'emploi" dans le sens où il est vendu avec une suite complète de logiciels: traitement de texte, logiciel de dessin, de présentation...

Mais les innovations du Lisa ne s'arrêtent pas là. Le nouvel ordinateur Apple est doté d'un système d'exploitation nativement multitâche, d'un disque dur, et d'un double système de démarrage: il est possible de démarrer le Lisa dans un mode "développeur" spécifiquement dédié à la programmation de logiciels.


L'Apple Lisa est livré avec plusieurs logiciels, heureusement, car peu d'éditeurs produisent de logiciels sur cette plate-forme.

Une gestation douloureuse

Cependant, la genèse du Lisa est longue et douloureuse. Il s'agit d'un projet d'envergure nettement plus importante que celui de l'Apple II et Steve Jobs a bien du mal à le gérer. L'équipe travaillant sur le Lisa est issue du laboratoire Parc ou de sociétés informatiques habitués aux gros systèmes et à une certaine liberté de conception. Steve Jobs impose ses idées sans vraiment prendre en compte l'avis des membres de son équipe. Le problème va devenir d'autant plus aigu qu'il change fréquemment sa vision des choses, forçant son équipe à reprendre à chaque fois une partie du travail accompli.

Bien que fondateur de la marque, Steve Jobs ne possède plus qu'une petite partie des actions de sa société. Suite aux nombreuses plaintes de l'équipe du projet Lisa, le PDG décide de retirer Steve Jobs du projet Lisa au cours de l'année 1982. L'équipe du Lisa va ainsi poursuivre le projet dans un esprit plus décontracté. Cependant, le projet va être mené par des équipes peu habituées aux contraintes des micro-ordinateurs, ce qui était justement le point fort de Steve Jobs.

Sorti en 1983, le Lisa va ainsi être un échec commercial encore plus retentissant que celui de l'Apple III. Si le dernier-né de la firme à la pomme dispose d'une agréable interface graphique, cette particularité ne va pas suffire à convaincre. Il faut dire que le produit est cher, il coûte environ 10 000 $, et il s'agit du prix affiché de l'époque, autant dire qu'en devise $ ou € actuelle, la facture est nettement plus élevée. Et pour ce prix, l'utilisateur a droit à un ordinateur... particulièrement lent. Pour compléter le tableau, la machine ne permet pas d'utiliser les logiciels disponibles sur l'Apple II. De fait, un Lisa ne permet alors d'utiliser que les logiciels déjà livrés avec.


Trop cher, trop lent, le Lisa ne rencontrera pas le succès espéré.

La principale conséquence de cet échec sera le départ du PDG de l'époque. L'entreprise pourra néanmoins compter sur le succès des nouvelles versions de l'Apple II pour fonctionner. Cependant, si la révolution du Lisa est complètement avortée, un petit projet délaissé et servant de lot de consolation pour Steve Jobs semble de plus en plus prometteur. Il s'agit du Macintosh qui, lancé en même temps que le Lisa, était passé complètement au second plan, mais le petit Mac n'a pas dit son dernier mot. C'est ce que nous verrons, la semaine prochaine.

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