La société Reflect Orbital envisage de déployer une constellation de miroirs orbitaux destinés à réfléchir la lumière solaire vers la Terre pendant la nuit. Cette proposition interroge profondément notre rapport à l'environnement nocturne et soulève des questions.
Ce projet s'inscrit dans une perspective de prolongement artificiel de l'ensoleillement, avec pour objectif déclaré d'augmenter la production d'énergie solaire. La démonstration initiale prévoit le lancement d'un satellite-test, Earendil-1, équipé d'un réflecteur de 18 mètres. Selon les documents déposés auprès des autorités américaines, cette première étape pourrait précéder le déploiement de plusieurs milliers de satellites similaires d'ici la fin de la
décennie, formant une infrastructure orbitale sans précédent historique.
Les limites techniques d'une ambition démesurée
La faisabilité physique du projet rencontre plusieurs obstacles fondamentaux. La distance orbitale, combinée à la taille angulaire apparente du Soleil, implique une dispersion inévitable du rayonnement réfléchi. Un miroir de 54 mètres produirait au sol une tache lumineuse d'au moins 7
kilomètres de diamètre, avec une intensité estimée 15 000 fois inférieure à celle du Soleil de midi. Cette
luminosité, bien que supérieure à celle de la
pleine lune, reste très éloignée des niveaux requis pour une production énergétique significative.
La dynamique orbitale introduit une seconde limitation majeure. À 625 kilomètres d'altitude, chaque satellite se déplace à plus de 7 kilomètres par seconde, ne maintenant sa position relative au-dessus d'une zone donnée que pendant quelques minutes. Pour assurer un éclairage continu pendant une heure, les calculs indiquent qu'il faudrait déployer plusieurs dizaines de milliers de miroirs, dépassant largement le nombre actuel de tous les satellites opérationnels et débris spatiaux répertoriés.
Les tests terrestres réalisés par l'entreprise, bien que démontrant le principe optique de base, ne reflètent pas les conditions réelles de l'espace. Une expérience avec un ballon utilisant un miroir de deux mètres cinquante ne peut transposer ses résultats qu'avec des réflecteurs de dimensions kilométriques en orbite, technologiquement irréalistes avec les matériaux actuels.
L'impact environnemental d'un ciel artificiel
L'astronomie professionnelle serait la première affectée par ce projet. Chaque miroir orbital, en mouvement rapide à travers la voûte céleste, créerait des traînées lumineuses extrêmement brillantes dans les instruments d'observation.
Space.com rapporte les inquiétudes de la Royal Astronomical Society, pour qui l'illumination intentionnelle du ciel représenterait une
catastrophe pour la recherche astronomique, bien plus que la
pollution lumineuse incidente des autres constellations satellitaires.
Les écosystèmes terrestres subiraient également des perturbations profondes. L'organisation BugLife souligne que l'alternance naturelle jour-nuit, rythme fondamental ayant régi l'évolution pendant des milliards d'années, se trouverait profondément altérée. De nombreuses espèces, des insectes pollinisateurs aux oiseaux migrateurs, dépendent de l'obscurité nocturne pour leurs cycles biologiques et leurs comportements.
La santé humaine pourrait elle aussi pâtir de cette artificialisation du cycle nycthéméral. Les études citées par les experts montrent les liens entre pollution lumineuse et troubles du sommeil ou dépression, avec une augmentation de près de 10% causée par la luminosité artificielle nocturne depuis l'avènement des LED.