Comprendre le comportement anormal des supraconducteurs désordonnés

Publié par Redbran le 11/01/2019 à 14:00
Source: CNRS INP
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Une équipe internationale de physiciens a mis en évidence expérimentalement puis décrit la façon dont les supraconducteurs désordonnés violent le comportement conventionnel des supraconducteurs soumis à un fort champ magnétique. Cette avancée offre des perspectives en informatique quantique, pour l'utilisation de certains types de qubits.


Diagramme de phase champ magnétiquetempérature (B–T) de l'état supraconducteur. Lorsque la température diminue en dessous de la température critique Tc, le champ critique Bc(T) augmente. A basse température, la théorie BCS prédit une saturation de Bc(T) illustrée par la ligne pointillée. Dans les supraconducteurs fortement désordonnées, Bc(T) ne sature pas et continue d'augmenter linéairement (ligne continue) jusqu'à T=0.

Les supraconducteurs sont des matériaux qui perdent leur résistance électrique lorsqu'ils sont refroidis à très basse température. Selon la théorie "BCS" (1957), un supraconducteur dans un champ magnétique faible expulse le champ et reste supraconducteur. C'est l'effet Meissner. A fort champ magnétique, ce dernier parvient à pénétrer le matériau supraconducteur sous forme de tubes de tailles nanométriques, appelés des vortex d'Abrikosov. Pour que le matériau devienne supraconducteur, il est essentiel que ces vortex restent immobiles, piégés par la structure du matériau ou par le désordre. En effet, leur déplacement produit de la dissipation et donc des pertes d'énergie. Il existe un champ critique au-delà duquel la supraconductivité est totalement détruite, lorsque la densité de vortex est telle qu'ils occupent tout le volume du matériau. Selon la théorie BCS, le champ critique de suppression de l'état supraconducteur croit lorsque la température diminue, puis sature à très basse température (cf. figure).

Ce comportement n'est pas respecté dans les supraconducteurs fortement désordonnés, tels que les alliages ou matériaux amorphes. Le champ magnétique critique continue d'augmenter linéairement à très basse température, ne montrant aucune saturation même proche du zéro absolu (cf. figure). Ce comportement est resté une énigme durant des décennies. Une équipe internationale de physiciens de l'Institut Néel (CNRS), l'Institut Landau de physique théorique (Russie), l'Institut Weizmann (Israël) et de l'Université de l'Utah (USA) a levé le voile sur cette anomalie. Ils ont étudié la densité de courant critique définie comme la densité de courant électrique maximum que le supraconducteur peut maintenir avec une résistance nulle. Au-delà, la supraconduction disparaît et le matériau devient résistif.

Les auteurs se sont intéressés aux films amorphes d'oxyde d'indium, un supraconducteur modèle dont la nature amorphe génère un désordre très élevé. Cette étude a nécessité une instrumentation aux limites des savoir-faire, afin de mesurer des courants supraconducteurs de quelques nano ampères sur des films de l'ordre du centimètre, dans des conditions extrêmes (-273.05 °C et 14 Tesla). Ces mesures inédites dans ce domaine ont nécessité une isolation très poussée vis-à-vis de tout bruit électromagnétique extérieur. Elles ont mis en évidence un comportement inattendu de la densité de courant supraconductrice: elle dépend de façon très simple de l'écart entre le champ appliqué et le champ critique, selon une loi de puissance d'exposant 3/2. Cet exposant est la clé pour comprendre l'augmentation linéaire du champ critique lorsque la température diminue. Les chercheurs ont montré théoriquement que ce comportement résulte des fluctuations thermiques des vortex d'Abrikosov dans le supraconducteur. C'est le premier modèle théorique, confirmé expérimentalement, décrivant l'augmentation linéaire anormale du champ critique.

Les supraconducteurs désordonnés offrent des perspectives pour informatique quantique, en particulier pour les qubits hybrides alliant supraconducteurs désordonnés et technologie aluminium. En effet, le désordre produit une super inductance qui protège de tout bruit électromagnétique extérieur la fragile intrication des qubits, à la base du stockage de l'information. Une condition indispensable pour mettre au point des circuits quantiques supraconducteurs

Référence publication:
Low-temperature anomaly in disordered superconductors near Bc2 as a vortex-glass property
Benjamin Sacépé, Johanna Seidemann, Frédéric Gay, Kevin Davenport, Andrey Rogachev, Maoz Ovadia, Karen Michaeli et Mikhail V. Feigel'man
Nature Physics (2018), doi:10.1038/s41567-018-0294-6

Contact chercheur:
Benjamin Sacépé, chargé de recherche CNRS

Informations complémentaires:
Institut Néel (CNRS)
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