La supraconductivité (ou supraconduction) est un phénomène caractérisé par l'absence de résistance électrique et l'annulation du champ magnétique — l'effet Meissner — à l'intérieur de certains matériaux dits supraconducteurs. La supraconductivité découverte historiquement en premier, et que l'on nomme communément supraconductivité conventionnelle, se manifeste à des températures très basses, proches du zéro absolu (-273,15 °C).
Dans les supraconducteurs conventionnels, des interactions complexes se produisent entre les atomes et les électrons libres et conduisent à l'apparition de paires liées d'électrons ou de paires électrons/trous, appelées paires de Cooper. L'explication de la supraconductivité est intimement liée aux caractéristiques quantiques de la matière. Alors que les électrons sont des fermions, ces paires d'électrons se comportent comme des bosons, de spin égal à 0, et sont « condensées » dans un seul état quantique, sous la forme d'un condensat de Bose-Einstein.
Un effet similaire de la supraconductivité est la superfluidité ou suprafluidité, caractérisant un écoulement sans aucune résistance, c'est-à-dire qu'une petite perturbation que l'on soumet à ce type de liquide ne s'arrête jamais, de la même façon que les paires de Cooper se déplacent sans aucune résistance dans un supraconducteur.
Il existe également d'autres classes de matériaux, collectivement appelés « supraconducteurs non conventionnels » (par opposition à la dénomination de supraconductivité conventionnelle), dont les propriétés ne sont pas expliquées par la théorie conventionnelle. En particulier, la classe des cuprates (ou « supraconducteurs à haute température critique »), découverte en 1986, présente des propriétés supraconductrices à des températures bien plus élevées que les supraconducteurs conventionnels (la température critique des supraconducteurs à hautes température critique peut être supérieure d'un facteur 10 par rapport à celle des supraconducteurs conventionnels). Toutefois, ce que les physiciens nomment « haute température » reste extrêmement bas comparativement aux températures à la surface de la Terre (le maximum est 133 K, soit -140 °C).
Bien que ce sujet soit, depuis le début des années 1990, considéré comme le sujet le plus important de la physique du solide, aucune théorie en 2010 n'est satisfaisante pour décrire le phénomène de la supraconductivité à haute température critique.
La température de l'azote liquide, -196 °C, qui peut être fabriqué industriellement, est généralement prise en référence comme température en dessous de laquelle les très basses températures sont atteintes. Une autre définition fait appel à des notions de changement de phase magnétique.
Le phénomène fut découvert en 1911 par un étudiant en physique, Gilles Holst, étudiant sous la direction du physicien néerlandais Kamerlingh Onnes (ce dernier s'étant par la suite approprié cette découverte). Kamerlingh Onnes aurait demandé à son étudiant de surveiller une expérience qu'ils étaient en train de mener sur les propriétés du mercure à très basse température (le domaine d'étude de prédilection de Kamerlingh Onnes). Or, l'étudiant laissa le protocole expérimental s'emballer, et atteindre par hasard des températures que le système ne devait pas atteindre. Cette erreur fut néanmoins fructueuse, puisque Gilles Holst et Kamerlingh Onnes montrèrent que la résistivité électrique (ou résistance électrique) du mercure devient non mesurable en dessous d’une certaine température appelée température critique T. Le terme non mesurable signifie ici que la résistance électrique du mercure chute de façon brutale au-dessous de T, de sorte que l'on ne peut plus la définir de façon conventionnelle. Pour cette découverte, Kamerlingh Onnes a reçu le prix Nobel de physique en 1913.
Des expériences avec de nombreux autres éléments montrèrent que certains possédaient des facultés de supraconductivité, mais d'autres non : citons en 1922, le plomb à 7 K et en 1941, le nitrure de niobium à 16 K.
En 1933, Meissner et Ochsenfeld découvrent que les supraconducteurs repoussent le champ magnétique, un phénomène connu sous l'appellation d'effet Meissner. En 1935, les frères Fritz et Heinz London ont montré que l'effet Meissner est une conséquence de la minimisation de l'énergie libre transportée par le courant supraconducteur.
C'est en 1950 que l'on constate que la température critique dépend de la masse isotopique.
En 1950, une théorie phénoménologique dite de Ginzburg-Landau fut élaborée par Landau et Ginzburg. Cette théorie a été un succès pour expliquer les propriétés macroscopiques des supraconducteurs en utilisant l'équation de Schrödinger. En particulier, Abrikosov montra qu'avec cette théorie on peut prévoir qu'il existe deux catégories de supraconducteurs (appelés type I ou type II). Abrikosov et Ginzburg ont reçu le prix Nobel 2003 pour ce travail (Landau étant décédé en 1968).
Une théorie complète de la supraconductivité fut proposée en 1957 par Bardeen, Cooper et Schrieffer. Connue sous l'appellation de leurs initiales théorie BCS, elle explique la supraconductivité par la formation de paires d'électrons (paires de Cooper) formant alors des bosons interagissant avec des phonons. Pour leur travail, les auteurs eurent le prix Nobel de physique en 1972.
En 1959, Gorkov montra que la théorie BCS se ramène à la théorie de Ginzburg-Landau au voisinage de la température critique d'apparition de la supraconductivité.
En 1962, les premiers fils supraconducteurs (un alliage de niobium-titane) sont commercialisés par Westinghouse. La même année, Josephson prévoit théoriquement qu'un courant peut circuler à travers un isolant mince séparant deux supraconducteurs ; ce phénomène qui porte son nom, l'effet Josephson, est utilisé dans les SQUIDs. Ces dispositifs servent à faire des mesures très précises de h/e, et combiné avec l'effet Hall quantique, à la mesure de la constante de Planck h. Josephson a reçu le prix Nobel en 1973.
En 1986, Bednorz et Müller ont découvert une supraconductivité à une température de 35 K dans des matériaux de structure perovskite de cuivre à base de lanthane (Prix Nobel de physique, 1987).
Très rapidement en remplaçant le lanthane par de l'yttrium, i.e. en produisant de l'YBa2Cu3O7, la température critique est montée à 92 K, dépassant la température de l'azote liquide qui est de 77 K. Cela est très important car l'azote liquide est produit industriellement à bas prix et peut même être produit localement. Beaucoup de cuprates supraconducteurs ont été produits par la suite et les mécanismes de cette supraconductivité sont encore à découvrir. Malheureusement, ces matériaux sont des céramiques et ne peuvent être travaillés aisément. De plus, ils perdent facilement leur supraconductivité à fort champ et donc les applications se font attendre. Les recherches se poursuivent pour diminuer la sensibilité aux champs et pour augmenter la température critique. Après la température de l'azote liquide, atteinte, le seuil psychologique et économique est la glace carbonique (-78,5 °C).
Le 31 mai 2007, une équipe de physiciens franco-canadienne a publié dans la revue Nature une étude qui, selon un communiqué du CNRS, permettrait d'avancer sensiblement dans la compréhension de ces matériaux.
En janvier 2008, l'équipe du professeur Hosono du Tokyo institute of technology a rapporté l'existence d'une nouvelle classe de supraconducteurs (les pnictides, de type ROFeAs ; où R est une terre rare) dopé avec du fluor sur le site de l'oxygène. La température critique maximale était de 28 K. Cette découverte a surpris l'ensemble de la communauté scientifique en raison de la présence du fer dans un supraconducteur ayant une aussi haute température critique. En août 2008, il semble y avoir un consensus indiquant que le fer joue un rôle majeur dans la supraconductivité de ces matériaux. Actuellement, des centaines de travaux sont publiés montrant l'enthousiasme de la communauté scientifique à propos de cette découverte. Un certain nombre de groupes ont rapporté une température critique maximale de l'ordre de 56 K dans le cas où R est une terre non magnétique. Fin mai 2008, le groupe du professeur Johrendt de l'université de Munich rapporte la supraconductivité dans le composé Ba0,6K0.4Fe2As2 avec une T de l'ordre de 38 K. Ce composé possède une structure cristallographique très proche de celle de LaOFeAs. Cette découverte est importante car elle montre que l'oxygène n'a aucun rôle dans le mécanisme de supraconductivité dans cette nouvelle classe de supraconducteurs. Le magnétisme semble en cause, comme pour les cuprates.